Nouvelles de la CSILC

Quel est l’impact du fondamentalisme sur la liberté d’association et de réunion pacifique?

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Par Monia Mazigh, coordonnatrice nationale de la CSILC

Florence, Italie – Quel est l’impact du fondamentalisme sur la liberté d’association et de réunion pacifique? Voici la question à laquelle le Rapporteur spécial de l’ONU sur la liberté d’association et de réunion pacifique tentera de répondre dans son prochain rapport. M. Maina Kiai a organisé une réunion d’experts à Florence, en Italie afin de réfléchir sur cette question en particulier et de proposer quelques réponses. La Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles était présente pour représenter le Canada.

La discussion a débuté autour du mot «fondamentalisme». Même si l’intention de la discussion n’est pas de trouver LA définition du mot, il est important de l’examiner sous différents angles. Parlons-nous de l’intégrisme religieux? De fondamentalisme politique? Racial? Nationaliste? Certes, toutes ces formes sont à considérer.

Mais au-delà du type de fondamentalisme, nous serons plus intéressés par le côté “des auteurs” plutôt que du côté des victimes de la question. Ce sont les actions des groupes qui épousent et pratiquent l’idéologie de l’intégrisme qui exigera notre attention.

Il convient de mentionner que deux parties prenantes de l’intégrisme seront examinées:

  • L’État
  • Les acteurs non étatiques

Donc en ce qui concerne le Canada, est-ce que l’État pratique ou a pratiqué une ou plusieurs formes de fondamentalisme et si oui, quel a été son impact sur la liberté d’association et de réunion pacifique?

Au Canada pendant la dernière décennie, le précédent gouvernement Harper a joué un rôle principal et prédominant dans la violation des droits des individus et des groupes de la société civile en fondant son approche principalement sur une vision économiques néolibérale néo-conservatrice, ciblant les militants écologistes, les manifestants anti-pétrole, les activistes syndicaux, les militants pro-palestiniens et les groupes anti-austérité, et combinée à une idéologie xénophobe où les Musulmans, les réfugiés et les immigrants furent diabolisés.

Les acteurs non étatiques:

Les groupes non étatiques ont également été florissants et prospères dans ce contexte de la normalisation et l’institutionnalisation des attaques sur le droit d’association et de réunion pacifique.

Ces acteurs non étatiques peuvent être divisés en deux catégories. La ligne entre les deux catégories ne peut pas toujours être facilement établie:

  • Les extrémistes de droite
  • Les groupes ou sites Internet anti-musulmans

Rappelez-vous, le 19 septembre 2015, la première manifestation de PEGIDA tenue au Canada (en face de la législature de l’Ontario). Même si le rassemblement n’a pas été un énorme succès, et que les manifestants anti-racisme étaient plus nombreux que les manifestants appuyant PEGIDA, nous avons vu dans cet événement d’un incident troublant. Le mouvement a été encouragé dans sa rhétorique fondamentaliste par la crise des réfugié.es en Méditerranée qui a amené des centaines de milliers de Syrien.nes et autres réfugié.es dans l’Union européenne, et par le discours de plus en plus xénophobe adopté par le gouvernement Harper dans les dernières années, et qui a culminé au cours de l’élection fédérale.

En ce qui concerne les actions de l’Etat, il nous suffit d’observer toutes les instances de criminalisation systématique de la dissidence qui ont eu lieu depuis 2006 et qui a pris des formes multiples: intimidation, harcèlement par l’espionnage et la surveillance, attaques verbales sur des groupes autochtones, des militants écologistes et des militants syndicaux, profilage politique, arrestations d’étudiant.es, diabolisation des groupes et des individus musulmans, etc.

La liberté d’association et la liberté de réunion sont les piliers d’une société démocratique. Les attaquer ou essayer de les limiter peut avoir un effet contre-productif sur les droits individuels, mais aussi sur la société civile dans son ensemble. De nombreuses études suggèrent que la criminalisation de la “promotion du terrorisme”, par exemple tel qu’inclus dans la nouvelle loi antiterroriste (C-51), n’est pas le bon chemin à prendre afin de lutter contre le fondamentalisme. Permettre à ces “groupes fondamentalistes” d’opérer dans la lumière, tout en les ayant à l’oeil, est crucial afin de détecter quels sont les messages circulant entre les acteurs, aussi longtemps que les messages n’incitent pas explicitement à la haine ou la violence. De plus, les gouvernements ne peuvent permettre à certains groupes de s’exprimer, comme les extrémistes de droite, tout en criminalisant les individus ou les groupes qui sont opposés à la politique étrangère de l’Occident au Moyen-Orient, par exemple. La liberté d’expression devrait être pour tous et toutes.

L’Internet et les médias sociaux jouent un rôle énorme dans la diffusion de toutes sortes de messages: recruter de nouveaux membres pour les groupes fondamentalistes, diffuser des messages haineux et xénophobes, mais également diffuser des informations utiles pour dissuader les jeunes de rejoindre les groupes fondamentalistes, éduquer les gens, appeler les gens à participer à des rassemblements pacifiques, des campagnes publiques, etc.

Garder le bon côté de l’Internet et des médias sociaux en empêchant certains groupes haineux et fondamentalistes de les utiliser à leurs propres fins est extrêmement difficile, voire impossible.

Ce n’est pas en interdisant l’Internet ou en limitant la liberté d’expression que nous allons nous débarrasser des idées ou idéologie fondamentalistes. Le fondamentalisme a toujours existé et nous ne pouvons pas l’éliminer. Cependant, nous pouvons être plus vigilants. Le gouvernement a un rôle à jouer ici dans le système d’éducation. Les enfants devraient apprendre davantage sur l’Internet à partir de la maternelle même: ce qui est approprié, ce qui ne l’est pas. Ce qui est violent, ce qui ne l’est pas. Ce qui est respectueux, ce qui ne l’est pas. Le travail devrait certainement commencer par là.

L’expulsion de Mohamed Harkat doit être annulée immédiatement

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Aujourd’hui, la CSILC a lu la déclaration suivante en conférence de presse sur la colline parlementaire aux côtés de Mohamed Harkat et un de ses avocats, du collectif Justice for Mohamed Harkat, et de Amnesty International et du NCCM, deux de nos membres.

En août 2015, le gouvernement fédéral a lancé une procédure d’expulsion contre Mohamed Harkat, 20 ans après son arrivée au Canada et après avoir réclamé le statut de réfugié.

Mohamed Harkat a été arrêté le 10 décembre 2002 – il y a 13 ans – en vertu d’un certificat de sécurité, et depuis il vit dans les limbes juridiques. Il a passé trois ans en prison, notamment à Guantanamo Nord, la prison de 3,2 millions de dollars construite spécialement pour les détenus musulmans. Depuis qu’il a été libéré, il a été soumis à des conditions extrêmement strictes d’assignation à domicile. Son épouse, Sophie Lamarche, est devenue sa geôlière « non officielle » à la maison, perdant ainsi ce qui restait de leur vie privée. Pendant de nombreuses années, il a dû porter un bracelet de surveillance électronique à la cheville pour contrôler tous ses mouvements.

En mai 2014, la Cour suprême du Canada a confirmé que le régime des certificats de sécurité était constitutionnel et a conclu que le certificat de sécurité contre Mohamed Harkat était raisonnable.

Toutefois, la Cour suprême a rappelé aux juges opérant sous la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés qu’ils devraient être « interventionnistes », et a clairement indiqué que le gouvernement ne pouvait pas procéder dans une audience entourant un certificat de sécurité, sauf si le suspect est raisonnablement informé de l’affaire contre lui pour assurer sa défense.

Malheureusement, aujourd’hui, aucune mesure n’a été prise par le gouvernement afin de permettre aux suspects d’accéder à la preuve secrète à leur encontre. Au contraire, le projet de loi C-51, la Loi antiterroriste adoptée en juin 2015, a renforcé l’utilisation du secret même dans les cas impliquant des citoyens canadiens et a abaissé le seuil et étendu les motifs pour les arrestations préventives.

Cette décision d’expulsion est la première étape d’une procédure qui enverra Mohamed Harkat de sa vie paisible au Canada vers la torture et très probablement la disparition et l’exécution.

Avant d’être renvoyé vers la torture, une évaluation du danger potentiel que représente M. Harkat auprès des Canadiens et Canadiennes doit être faite. Mais, vraiment, quelle menace Mohamed Harkat peut-il bien posée aujourd’hui?

La Cour suprême a jugé dans le passé que des suspects terroristes ne peuvent être expulsés que dans des «circonstances exceptionnelles» vers des pays où ils font face à un risque sérieux de torture.

Selon Amnistie internationale et Human Rights Watch, de graves violations des droits de la personne sont encore monnaie courante en Algérie. Le Canada peut-il vraiment accepter en toute bonne conscience les assurances diplomatiques qui lui seraient données pour déporter Mohamed Harkat vers l’Algérie? Nous croyons que non.

Aujourd’hui, nous demandons au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, l’honorable Ralph Goodale, de cesser immédiatement les procédures de déportation contre Mohamed Harkat. Nous ajoutons: Est-ce que ce gouvernement veut qu’on se souvienne de lui pour le renvoi d’un réfugié vers la torture ou l’exécution?

La CSILC estime que Mohamed Harkat doit être autorisé à rester au Canada avec son épouse. Après plus d’une décennie de combats juridiques, de « preuves » secrètes, de détresse physique et émotionnelle, il est temps de redonner à Mohamed ses droits et sa vie.

Merci.

Pourquoi les États-Unis s’inquiétaient-ils plus que le Canada du sort d’Omar Khadr?

OmarPar Monia Mazigh – C’est officiel : les courriels d’Hilary Clinton ont commencé à affluer dans l’arène publique. Aujourd’hui, le Globe and Mail a rapporté le contenu de certains de ces courriels et la découverte est choquante. En fait, pas vraiment. Honteuse est plus juste!

Plusieurs militants et groupes de défense des droits humains savaient que le gouvernement canadien empêchait qu’Omar Khadr ne soit rapatrié au Canada, mais ils ne savaient pas que les Américains ont été très enthousiastes et heureux qu’il revienne au Canada. Un responsable américain, le conseiller juridique du Département d’Etat, Harod Koh, s’exclama:

“Je suis tellement content que ce soit fait”. “Après avoir passé les 10 dernières années à GTMO (Guantanamo), au moins ce jeune homme a enfin une autre chance.”

Ceci est en contradiction totale avec ce que les responsables canadiens ont essayé tant bien que mal de nous faire croire. Par exemple, comparer cette réaction américaine à celle du ministre de la Justice du Canada, Vic Toews, au moment où Omar Khadr a été rapatrié au Canada:

“Je ne suis pas d’accord qu’il était un enfant soldat dans le sens où il a été en quelque sorte induit en erreur… la preuve est très claire. Il a été reconnu coupable de meurtre, il est un terroriste et c’Est sur cette base que nous l’avons rapatrié”.

Même si ce sont des responsables américains qui ont arrêté Omar Khadr en Afghanistan et l’ont gardé dans la base de Bagram avant de le transférer à Guantanamo, la position du Canada n’a jamais été claire ou éthique. Tout d’abord, les responsables canadiens sont allés l’interroger et ont essayé de le “soudoyer” avec un hamburger dans une salle de Guantanamo afin qu’il parle. Ensuite, les politiciens, d’abord sous le gouvernement libéral et, plus tard, sous les Conservateurs, ont catégoriquement refusé de le rapatrier. Le Canada est devenu le seul pays occidental à ne pas rapatrier l’un de ses propres citoyens.

Le 24 mars 2012, le New York Times a rapporté que le gouvernement canadien était responsable des retards constants dans le rapatriement de Khadr. La pétition initiée par le sénateur Dallaire a rassemblé 35 000 signatures. Khadr a été transféré au Canada le 29 septembre 2012 afin qu’il y purge le reste de sa peine. Service correctionnel Canada a refusé à plusieurs reprises de laisser les journalistes parler à Khadr en prison. Toews a justifié cela en prétendant qu’une entrevue pourrait interférer avec le plan de traitement de Khadr, présenter un risque de sécurité, ou être autrement perturbatrice.

Ensuite, l’ancien Premier ministre Stephen Harper a gardé le lancement d’une bataille juridique après l’autre en essayant de garder Omar Khadr en prison et lui souhaitant d’être jugé comme un adulte, par opposition à un adolescent, dont il était au moment de son arrestation.

Donc, la question aujourd’hui est: quelle est la raison de cette attitude vindicative qui empêchait un enfant soldat d’avoir une «deuxième chance»? Le Canada essayait-il vraiment de plaire à son allié américain, même s’il ne voulait plus d’Omar Khadr à la prison de Guantanamo, ou essayait-il plutôt de plaire à sa base politique et de renforcer son agenda politique de la loi et de l’ordre au détriment d’Omar Khadr?

Aujourd’hui, Omar Khadr est un homme libre, il étudie à l’université et essaie d’obtenir cette «deuxième chance». Pendant ce temps, Vic Toews et Stephen Harper ne sont pas tenus responsables de leurs actes d’ingérence politique qui ont peut-être empêché ou de retardé le processus de rapatriement de Khadr.

Ils devraient être tenus responsables. Les Canadien.nes ont le droit d’obtenir des réponses!

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