Nouvelles de la CSILC

Ne laissons pas la police contrôler le débat sur la sécurité nationale au Canada

Credit: BC Emergency Photography/Flickr CC BY-NC 2.0

Par Tim McSorley, Coordonnateur national, Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles

Lorsqu’il s’agit de sécurité nationale – des règles régissant les moments où vous pouvez être arrêté jusqu’aux circonstances dans lesquelles le gouvernement peut espionner votre courriel – la GRC estime que sa voix et la voix des autres corps policiers ne sont pas entendues dans le cadre de la consultation publique du gouvernement sur la sécurité nationale, qui se déroule en ligne jusqu’à la fin de la journée, aujourd’hui, le 15 décembre.

« Jusqu’à présent, [le débat] semble être dirigé beaucoup par un côté, celui de ceux qui souhaitent plus de confidentialité et plus d’anonymat », le chef superintendant de la GRC, Jeff Adam, a déclaré à la CBC et au Toronto Star en novembre. L’entrevue fait partie d’une série conjointe d’articles sur la police qui affirme qu’elle perd la course de la technologie contre les criminels qui, selon elle, « disparaissent » derrière le cryptage – une revendication qui a été fortement contestée, même par le comité éditorial du Toronto Star.

Bien que la GRC estime que sa voix n’est pas entendue, dès que la consultation en ligne a été publiée, les organisations des droits de la personne et de la protection de la vie privée ont observé une toute autre tendance. Elles ont souligné la présence de questions tendancieuses, de scénarios hypothétiques sans preuve et un document de référence douteux qui semblent tous présenter un argument non seulement à l’appui des pouvoirs les plus problématiques introduits dans le projet de loi C-51 mais aussi en faveur d’inquiétants nouveaux pouvoirs pour la police.

Est-ce qu’une consultation tant axée sur les demandes de la police peut vraiment avoir exclu la police? Comme l’a montré Justin Ling, un reporter à Vice Canada, il semblerait que la police a toujours été là.

Un mémo datant de février montre que, dès l’hiver dernier, la GRC avait élaboré des stratégies pour obtenir de nouveaux pouvoirs. Dans le mémo, ils exposent leur plan pour créer un «nouveau discours public» entourant la sécurité nationale qui inclut quatre thèmes très présents dans la consultation. Comme Ling l’explique, ces thèmes sont:

  1. Un manque de matériel d’interception dans les réseaux de télécommunication canadiens,
  2. L’utilisation du cryptage pour protéger les communications,
  3. La suppression des données des utilisateurs par les entreprises,
  4. Et l’impossibilité d’obtenir les données des utilisateurs hébergées dans certains pays étrangers.

Même une lecture rapide des questions de la consultation et des documents à l’appui révèle l’importance de ces quatre préoccupations pour le gouvernement.

Donc, vraiment, il n’était pas nécessaire que les grands médias leur accordent une plate-forme: les voix de la police étaient déjà au cœur du processus.

Alors, comment pouvons-nous nous assurer que le débat soit plus équilibré?

Jusqu’à la fin de la journée, aujourd’hui, 15 décembre, n’importe qui peut partager ses idées en remplissant la consultation en ligne ou en envoyant un courriel à ps.nsconsultation-consultationsn.sp@canada.ca.

Que vous demandiez une fois pour toutes au gouvernement d’abroger C-51 ou que vous vous prononciez sur la façon dont les banques signalent des transactions financières suspectes au gouvernement, voici votre chance!

Au sein de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC), nous pensons qu’il existe de nombreuses raisons de partager vos préoccupations, notamment:

  • Abolir les nouvelles lois qui menacent la liberté d’expression sous prétexte de limiter la promotion du terrorisme
  • Protéger notre droit à la vie privée contre de nouvelles règles qui donnent aux organismes gouvernementaux un pouvoir sans précédent de partager nos renseignements personnels entre eux et avec les autorités étrangères
  • Empêcher les agences de police et d’espionnage d’obtenir de nouveaux pouvoirs qui violeraient notre vie privée, y compris l’obtention sans mandat des renseignements de base des abonnés, l’affaiblissement du cryptage, l’interception d’une vaste gamme de nos communications et l’obligation des entreprises de télécommunications à conserver les données de tous ses abonnés.
  • Mettre en place un mécanisme d’examen plus fort, intégré et indépendant pour tous les organismes de sécurité nationale du Canada. À l’heure actuelle, seulement trois sur vingt ont un examen indépendant, et ils sont obligés de travailler dans des silos, incapables d’examiner le travail des autres agences, même lorsque les opérations sont conjointes.
  • Abolir la liste d’interdiction de vol qui s’est avérée inefficace et a abouti à un nombre non spécifié de faux positifs – dont plus de 50 enfants.
  • Veiller à ce que le gouvernement mette l’accent sur la réduction de toutes les formes de violence et sur l’augmentation de l’égalité pour toutes les communautés, plutôt que de marginaliser davantage les communautés musulmanes, arabes et autres communautés racialisées.

Beaucoup de questions sont techniques et obscures, et tout le monde n’est pas un expert en sécurité nationale. C’est pourquoi la CSILC, ainsi que plusieurs autres groupes, ont élaboré des guides pour aider à déchiffrer et à répondre aux questions.

Vous pouvez trouver nos réponses ici : http://iclmg.ca/fr/enjeux/nos-reponses-a-la-consultation-en-ligne-sur-la-securite-nationale/. N’hésitez pas à les utiliser et à les adapter à vos propres réponses.

Le gouvernement a dit qu’il voulait nous entendre. Et la seule façon de nous assurer que nos voix soient entendues haut et fort est en envoyant autant de messages que possible avant la fin de la journée. Ensemble, nous pouvons nous assurer de supprimer l’espionnage et la criminalisation de la dissidence, et de faire en sorte que nos lois protègent réellement les libertés civiles et les droits de la personne.

Puisque vous êtes ici…

… nous avons une faveur à vous demander. À la CSILC, nous travaillons sans relâche afin de protéger et promouvoir les droits humains et les libertés civiles dans le contexte de la soi-disant “guerre au terrorisme” au Canada. Nous ne recevons aucune aide financière des gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral, ni d’aucun parti politique. Tout don nous aidera à poursuivre notre travail.

Vous hésitez à donner? Consulter la page sur nos nombreuses Réalisations et Acquis depuis 2002. Merci de votre générosité! 

À la mémoire de Warren Allmand

Warren Allmand à la conférence "Arar+10: La sécurité nationale et les droits humains, 10 ans plus tard", organisée par la CSILC en collaboration avec Amnistie internationale, le Centre de recherche et d’enseignement sur les droits de la personne, et le Centre d’études en politiques internationales de l’Université d’Ottawa, en octobre 2014. Crédit photo : Sébastien Packer

Warren Allmand à la conférence “Arar+10: La sécurité nationale et les droits humains, 10 ans plus tard”, organisée par la CSILC en collaboration avec Amnistie internationale, le Centre de recherche et d’enseignement sur les droits de la personne, et le Centre d’études en politiques internationales de l’Université d’Ottawa, en octobre 2014. Crédit photo : Sébastien Packer.

Ottawa – C’est avec une grande tristesse que la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC) a reçu la nouvelle du décès de Warren Allmand. Un défenseur dévoué des droits de la personne et de la justice a disparu. Warren a appuyé la CSILC dès sa naissance, quand il présidait le conseil d’administration de Droits et démocratie.

Warren était infatigable dans son travail, tant comme représentant politique que comme défenseur de la justice sociale. À la CSILC, nous nous souvenons de l’ampleur de son travail pour la protection des libertés civiles face aux lois sur la sécurité nationale toujours plus nombreuses et dans le contexte de la « guerre contre le terrorisme ». Warren a participé comme porte-parole de la coalition, et a mis ses années d’expérience comme parlementaire, ministre et solliciteur général au service de la coalition, nous représentant devant des comités parlementaires, et en nous guidant à travers les systèmes législatifs du Canada et dans notre travail auprès des Nations Unies.

Warren a aussi servi comme co-conseiller pour la CSILC pendant la Commission O’Connor (qui a enquêté sur le renvoi vers la torture de Maher Arar), et la Commission Iacobucci qui l’a suivie (qui a enquêté sur le renvoi vers la torture de Ahmad El Maati, Abdullah Almalki and Muayyed Nureddin), jouant ainsi un rôle important dans ces deux commissions d’enquêtes marquantes de l’histoire récente du Canada.

« Avec nos ressources limitées et notre mandat très large, Warren a aidé à donner forme à cette coalition, de sa création en 2002 jusqu’à aujourd’hui, » dit Dominique Peschard, coprésident de la CSILC. « Nous nous souviendrons de son amitié, sa passion et son appui infatigable, et nous continuerons notre lutte pour la justice sociale, comme Warren l’aurait voulu. Sa famille et ses proches sont dans nos pensées et nos coeurs en cette période difficile. »

Nous ne pouvons célébrer une autre Journée des droits de la personne en ayant du sang sur nos mains

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Par Tim McSorley, Coordonnateur national

Un extrait de cette déclaration a été lu à une conférence de presse sur la colline parlementaire le 9 décembre 2016. Visionnez les interventions de Sophie Harkat, épouse de Mohamed Harkat et activiste, et Tim McSorley.

Aujourd’hui, 10 décembre, marque la Journée internationale des droits de la personne. Mais c’est aussi l’anniversaire d’une tache tenace sur le dossier des droits humains au Canada.

Il y a quatorze ans, Mohamed Harkat, un réfugié algérien au Canada, a été arrêté à l’extérieur de son domicile en vertu d’un certificat de sécurité et pour des allégations de liens avec le terrorisme. Malgré le fait qu’il n’a jamais été accusé et qu’il n’ait jamais connu les preuves contre lui, Harkat a été placé en isolement, a subi les conditions les plus strictes de libération sous caution de l’histoire du Canada et vit sous la menace constante d’une déportation vers l’Algérie où il sera certainement emprisonné et torturé.

Nous aimons croire que le Canada est au-dessus de la torture. Et même si la pratique est interdite au Canada, nos obligations internationales en matière de droits de la personne signifient que nous devons nous opposer à la torture partout – y compris ne jamais expulser quelqu’un vers une situation où ils risquent la torture.

Malheureusement, le Canada a des antécédents de complicité dans le renvoi vers la torture de Canadiens à l’étranger : le gouvernement américain a emmené Maher Arar en Jordanie, puis en Syrie, où il a été torturé. Les fonctionnaires canadiens ont été complices de son renvoi et ont fermé les yeux sur la torture qu’il subissait. En 2007, après l’enquête O’Connor qui a duré deux ans, il a reçu des excuses officielles du gouvernement canadien, et une compensation de 10,5 millions de dollars et un million de dollars en frais juridiques.

Bien qu’aucune excuse ni aucun règlement ne puisse annuler les horreurs de la torture, d’autres Canadiens n’ont même pas reçu cela L’enquête Iacobucci, qui a suivi l’enquête O’Connor, a révélé que des agents et des fonctionnaires canadiens ont joué un rôle indirect dans l’arrestation et la torture de trois autres Canadiens : Ahmad El Maati en Égypte et Abdullah Almalki et Muayyed Nureddin en Syrie. Cela comprenait un partage problématique d’informations avec des agences d’espionnage étrangères, un soutien consulaire insuffisant et des fonctionnaires ignorant les allégations de torture.

L’enquête s’est terminée en 2008, mais aucune compensation et réparation n’a été donnée. Cela, malgré un vote majoritaire en 2009 à la Chambre des Communes – y compris Justin Trudeau et les députés libéraux – en faveur d’un rapport du Comité de la sécurité publique demandant des excuses, des réparations et l’adoption intégrale des recommandations de l’enquête O’Connor, incluant la création d’un organe expert d’examen intégré et indépendant pour la sécurité nationale.

Malheureusement, nous avons vu le contraire de la réparation : le gouvernement conservateur à l’époque et le gouvernement libéral aujourd’hui ont lutté vigoureusement contre une poursuite pour 100 millions de dollars intentée par les trois hommes en réparation des mauvais traitements qu’ils ont subis. En fait, les libéraux ont doublé ces efforts, plaidant devant le tribunal qu’une loi de 2014 introduite par les Conservateurs pour protéger les sources de renseignement devrait s’appliquer rétroactivement, dans le but d’empêcher des témoignages clés.

Lorsque le Premier ministre affirme que le Canada est de retour et promet de lutter pour l’égalité et les droits de la personne, une première étape fondamentale devrait être de présenter des excuses, de dédommager les victimes et d’éliminer toute complicité dans la torture.

Une occasion en or de remplir cette promesse se présente au gouvernement : des consultations publiques ont présentement lieu à l’échelle du pays sur notre cadre de sécurité nationale. Le premier ministre Trudeau et le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, pourraient donner un avant-goût de ce qui est à venir en déclarant tout de suite qu’ils prendront les mesures fondamentales suivantes :

  • Veiller à ce que personne ne soit expulsé s’il y a un risque de torture, en commençant par mettre fin aux procédures d’expulsion contre M. Harkat;
  • S’engager à dédommager et à présenter des excuses à toutes les victimes de torture dont le Canada est complice, à commencer par M. El Maati, M. Almalki et M. Nureddin;
  • Retirer les directives ministérielles – toujours en vigueur – qui permettent au Canada d’accepter des renseignements qui auraient pu être recueillis sous la torture, en violation de nos engagements internationaux;
  • Eliminer le système de certificats de sécurité, qui permet la détention sans accusation ou l’accès à la preuve utilisée pour imposer le certificat;
  • Abroger la Loi antiterroriste de 2015 (projet de loi C-51), qui a engendré une foule de lois qui ouvrent la porte aux types de violations qui ont conduit à la torture de M. Arar, M. El Maati, M. Almalki et M. Nurredin.

Ne serait-il pas merveilleux que, pour la Journée des droits de la personne 2017, nous puissions enfin dire que le Canada a coupé tous les liens avec la torture?

Vous pouvez envoyer un message en répondant à la Consultation publique sur la sécurité nationale et appuyer la campagne pour Mohammed Harkat ici.

Merci.

Puisque vous êtes ici…

… nous avons une faveur à vous demander. À la CSILC, nous travaillons sans relâche afin de protéger et promouvoir les droits humains et les libertés civiles dans le contexte de la soi-disant “guerre au terrorisme” au Canada. Nous ne recevons aucune aide financière des gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral, ni d’aucun parti politique. Tout don nous aidera à poursuivre notre travail.

Vous hésitez à donner? Consulter la page sur nos nombreuses Réalisations et Acquis depuis 2002. Merci de votre générosité!