Nouvelles de la CSILC

Des groupes canadiens de défense des droits envoient deux lettres au ministre de la Sécurité publique Ralph Goodale

B97524477Z.120151118164907000GUJBN8C6.11La Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles en collaboration avec d’autres organisations canadiennes de défense des droits de la personne envoient aujourd’hui deux lettres séparées au ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, qui contiennent des recommandations à l’égard de la prochaine réforme en matière de sécurité nationale au Canada.

La première lettre propose sept principes afin de guider l’approche du gouvernement en ce qui concerne les consultations prévues entourant la sécurité nationale. Les signataires de cette lettre sont :

Amnesty International Canada (branche anglophone)
Amnistie internationale Canada francophone
British Columbia Civil Liberties Association
L’Association canadienne des libertés civiles
La Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles
La Ligue des droits et libertés
National Council of Canadian Muslims

La deuxième lettre met l’accent sur le contrôle parlementaire des agences de sécurité nationale et l’importance de mettre en place des mécanismes d’examen complets et robustes de ces mêmes organismes. Les signataires de cette lettre sont :

Amnesty International Canada
Association canadienne des avocat.es musulman.es
Association canadienne des libertés civiles
Association canadienne des professeures et professeurs d’université
British Columbia Civil Liberties Association
British Columbia Freedom of Information and Privacy Association
Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles
Conseil canadien pour les réfugiés
Lawyers Rights Watch Canada
Ligue des droits et liberties
National Council of Canadian Muslims
OpenMedia

Éditorial – Le gouvernement écoutera-t-il les demandes des espions ou de la population?

megaphone_by_sidvicious08Par Monia Mazigh – En janvier 2015, le gouvernement du Canada a présenté le projet de loi antiterroriste controversé, C-51. A cette époque, le gouvernement conservateur a sous-estimé la forte opposition de la population canadienne à ce projet de loi.

Le gouvernement a pensé que les attaques sur la colline du Parlement et à Saint-Jean-sur-Richelieu avaient créé un climat de peur qui pourrait convaincre la population de soutenir vigoureusement les politiques de sécurité nationale à tout prix. En effet, le public soutenait l’adoption de législation antiterroriste plus rigide à 70% en novembre 2014, et en février 2015, le soutien pour le projet de loi C-51 a atteint un pic de 80%. Suite à une campagne d’information, le soutien a rapidement baissé et parmi les citoyens qui avaientt entendu parler du projet de loi C-51, 38% seulement l’approuvaient. Même avec l’impressionnante opposition publique et les protestations, le Parlement a adopté le projet de loi en juin 2015.

Les Libéraux ont appuyé le projet de loi, mais ont promis que s’ils étaient élus, ils modifieraient les parties controversées. Le NPD s’est opposé au projet de loi et a promis de l’abroger s’il était élu. Aujourd’hui, nous avons un gouvernement libéral et nous ne savons toujours pas exactement ce qu’ils vont faire avec C-51. Cependant, nous savons par certains médias que le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) n’est pas très enthousiaste par rapport aux possibles changements ou modifications, d’autant plus que C-51 leur accorde d’énormes pouvoirs de perturbation. Et malgré ce que le directeur du SCRS a récemment révélé au sujet de ces pouvoirs, le public sait peu de choses sur eux et comment ils sont utilisés.

Dans son mémoire au sujet de C-51, et en se référant aux pouvoirs de perturbation, la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles a écrit «que ces pouvoirs extraordinaires sont sans précédent, dangereux et n’ont pas leur place dans une société libre et démocratique». Cela ne semble pas être l’opinion de Michel Coulombe, directeur du SCRS, qui, lors de son témoignage devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, a indiqué que les pouvoirs de perturbation intégrés dans le projet de loi C-51 ont été utilisés depuis l’automne dernier près de 24 fois. Comme prévu et redouté par les groupes de défense des droits civils, le SCRS n’a pas demandé une approbation judiciaire avant de mener ces actions perturbatrices. Ils ont décidé de leur propre chef qu’ils ne violaient pas les dispositions de la Charte des droits et libertés. Le SCRS n’a expliqué aucune de ces actions.

Comment pouvons-nous leur faire confiance? Le SCRS a dans le passé et à plusieurs reprises trompé son mécanisme d’examen, le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS), et les tribunaux. Voici quelques exemples:

  • Dans le rapport annuel du CSARS de 2015, nous avons appris que le SCRS a plusieurs fois obtenu sans mandat des renseignements fiscaux de l’Agence du revenu du Canada sur les citoyens canadiens. Le CSARS l’a découvert et a recommandé au SCRS de corriger la situation et de suivre la procédure appropriée. Néanmoins, rien n’a été fait, au moins à notre connaissance, pour corriger la situation.
  • Dans son rapport annuel de 2014, le CSARS a constaté qu’il avait été «gravement induit en erreur» par le SCRS et que les agents du SCRS avaient violé leur obligation de franchise au cours des procédures ex parte.
  • Et si cela ne suffit pas pour convaincre les sceptiques, rappelons-nous aussi que, en 2013, le juge Mosley avait trouvé le SCRS en violation de son obligation de franchise envers la Cour en ne divulguant pas des renseignements pertinents à l’obtention d’un mandat pour ses activités d’espionnage.

Mais même si le SCRS a obtenu l’approbation des tribunaux pour espionner les gens et “perturber” leurs activités, cela ne rend pas nécessairement légitimes les pouvoirs de perturbation. Il est troublant de savoir que C-51 permet aux agents de renseignement du SCRS de faire ce qu’ils veulent sauf blesser, tuer ou agresser sexuellement les personnes. Un article du Globe and Mail de 2004, a indiqué qu’entre 1993 et ​​2003, le SCRS a réussi à faire approuver ses demandes de mandat 99.3% du temps. Si tel était le cas avant le projet de loi C-51, pourquoi devrions-nous nous attendre à ce que les choses soient différentes aujourd’hui?

Pendant ce temps, nous sommes encore dans l’obscurité concernant le plan du gouvernement. Il n’a pas fait d’annonces par rapport à C-51 relativement aux consultations publiques. Nous savons que le ministre Goodale a écouté les demandes de M. Coulombe et que ce dernier lui a dit que le SCRS «fonctionne sur des sténoses serrées, pas des caprices arbitraires». Mais, comme nous l’avons vu, ils ont une marge de manœuvre extraordinaire dans leurs actions, et ont abusé à répétition de leurs pouvoirs et n’écoutent pas les autorités qui sont en place pour assurer que nos droits soient respectés. Le ministre Goodale écoutera-t-il maintenant les préoccupations des Canadien.nes au sujet de C-51?

Sources

http://poll.forumresearch.com/post/243/one-half-of-those-aware-of-it-disapprove-of-bill-c51

http://www.vancouverobserver.com/news/new-poll-results-show-support-dropping-bill-c-51

http://www.thestar.com/news/canada/2016/03/07/csis-used-bill-c-51-powers-several-times-to-disrupt-suspected-terrorists-senate-hears.html

http://www.theglobeandmail.com/news/national/csis-not-being-forthcoming-with-court-federal-judge-says/article15599674/

http://rabble.ca/columnists/2016/02/god-fails-c-51-review-committees-and-dangers-window-dressing

http://www.peoplescommission.org/files/csis/EasyWarrants.pdf

http://www.theglobeandmail.com/news/national/documents-reveal-csis-wary-of-bill-c-51-reforms/article29023837/

Éditorial – Liste d’interdiction de vol : qu’est-ce que le gouvernement essaie-t-il de cacher?

no_flying_wide.5697beccdf526Par Monia Mazigh – En janvier 2016, la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC), avec l’aide de Ken Rubin, un activiste de l’accès à l’information de longue date au Canada, a déposé une demande d’accès à l’information sur la liste d’interdiction de vol (la « no-fly list »).

Plus précisément, nous avons demandé le nombre par année de notifications écrites envoyées à des particuliers pour les aviser qu’illes ne peuvent voler. En outre, étant donné les rapports des médias sur les nombreux cas d’enfants canadiens soumis à des doubles vérifications ainsi qu’à des délais répétés avant d’embarquer à bord d’avions dans des aéroports canadiens, nous avons voulu en savoir davantage sur qui est inscrit sur la liste d’interdiction de vol, en particulier les mineurs. Et enfin, nous avons posé des questions sur le processus d’appel ou de recours.

La semaine dernière, nous avons reçu 88 pages de documents. Seulement 8 pages n’étaient pas censurées. Le reste était une succession de pages blanches sur lesquelles l’information était cachée pour des raisons, selon le gouvernement, de confidentialité, de sécurité nationale, d’enquêtes sur la criminalité, du respect de la loi, et d’autres motifs.

Les documents, principalement des notes de service, classés “Top secret” ou parfois “Secret”, ont été écrits par John Davies, le directeur général de la Direction nationale de la politique de sécurité, du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile. Ces notes ont été adressées à l’attention du sous-ministre adjoint principal. Elles sont au sujet des recommandations du Groupe consultatif sur les personnes spécifiées. À la fin de 88 pages, les notes de service sont signées par un autre haut fonctionnaire, Ratu Banerjee, apparemment le directeur général par intérim.

Le mandat du Groupe consultatif sur les personnes spécifiées (GCPS) est d’identifier les personnes qui devraient être prises en considération pour la spécification et de fournir des conseils au ministre de la Sécurité publique pour déterminer quels individus devraient être précisés, c’est à dire mis sur la Liste des personnes précisées ou “Liste d’interdiction de vol”.

Le président du GCPS est le directeur général de la Direction nationale de la politique de sécurité. D’autres membres votants comprennent des hauts fonctionnaires du SCRS, de l’ASFC, de la GRC et de Transports Canada. Un avocat principal du ministère de la Justice et le chef des opérations pour le Programme de protection des passagers de Transports Canada participent aux réunions, mais seulement à titre consultatif. Il est intéressant d’apprendre qu’un haut fonctionnaire du CSTC peut être invité, à titre consultatif, lorsque les personnes considérées pour la spécification le sont entièrement ou dans une large mesure sur la base d’information tirée des signaux de renseignement. Le GCPS se réunit tous les 30 jours ou moins, et c’est Transports Canada qui est chargé de transmettre les noms des personnes spécifiées aux transporteurs aériens.

Dans la Loi sur l’aéronautique qui a été utilisée par le gouvernement canadien en 2007 afin de créer le Programme de protection des passagers, il n’y a pas de critères explicites pour la spécification. Ce n’est également pas clair comment la Loi a été interprétée afin d’utiliser des «motifs raisonnables de soupçonner» en tant que critère pour ajouter des noms à la liste. Les mémos expliquent en outre que «le soupçon raisonnable doit être appuyé par des éléments de fait présentés en preuve», mais ils n’y a pas davantage de précision sur cet aspect ou du moins nous ne voyons rien dans les documents sur cette question.

Le GCPS suggère une série de mesures à appliquer aux personnes spécifiées:

– Le refus de transport;

– L’exigence d’un contrôle supplémentaire;

– L’autorisation de voyager que si un officier est à bord.

Donc, fondamentalement, même si nous sommes autorisés à embarquer dans un avion, cela ne signifie pas que notre nom ne figure pas sur une liste. Cela peut signifier que nous sommes autorisés à voyager parce qu’il y a un maréchal de l’air à bord de l’avion contrôlant nos mouvements et assurant soi-disant la sécurité de l’avion.

Les documents traitent superficiellement de la question de la de-spécification dans les termes suivants: “Pour veiller à ce que les informations sur les personnes spécifiées reste exactes et à jour, et par conséquent que les motifs de la spécification sont toujours en cours, à chaque réunion mensuelle le président du Groupe consultatif demandera aux membres si ils ont de nouvelles informations sur des individus précis”.

Cependant, nous ne savons pas s’il existe des cas de Canadiens qui ont été retirés de la liste. Nous avons aussi appris que «le ministère ou l’organisme qui a désigné à l’origine une personne pour la spécification informera le Groupe consultatif quand il n’a plus de motifs raisonnables de soupçonner qu’il ou elle constitue une menace pour la sécurité de l’aviation.”

La lecture de ces pages est une sorte d’un jeu de devinettes. Une comédie avec distribution asymétrique de l’information, où le gouvernement nous empêche de voir l’image complète.

Nous avons déduit de ces pages que certains documents qui nous ont été remis préexistaient le projet de loi C-51, alors que d’autres pages nous renseignent sur la situation du Programme de protection des passagers après l’introduction du projet de loi C-51. L’indice réside dans le seuil pour la spécification des individus. Avec le projet de loi C-51, ce seuil a été abaissé pour inclure ceux qui voyagent par voie aérienne dans le but de commettre des actes terroristes ou d’adhérer à des groupes terroristes à l’étranger.

Malheureusement, ces documents ne répondent pas à nos questions initiales: combien de Canadiens sont sur la liste d’interdiction de vol? Pourquoi les enfants, comme Adam Ahmed, le fan de hockey de Toronto, sont toujours sur la liste sans possibilité à ce jour de les en retirer?

Toute la question de la réparation et de recours reste un mystère total.

Voir les documents obtenus en vertu de la Loi sur l’accès à l’information (en anglais seulement)

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