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Les vérifications préjudiciables de l’Agence du revenu du Canada

Images créées pour le rapport de la CSILC intitulé Les vérifications préjudiciables de l’ARC : La lutte contre le terrorisme et le ciblage des organismes de bienfaisance musulmans au Canada. Crédit : CSILC/Omar Hafez

Par Tim McSorley

En juin 2021, la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC) a publié un rapport intitulé Les vérifications préjudiciables de l’ARC : La lutte au terrorisme et ciblage des organismes de bienfaisance musulmans au Canada[1]. Ce rapport détaille la façon dont une division secrète de l’Agence du revenu du Canada (ARC) cible les organisations caritatives musulmanes au Canada pour des enquêtes, des vérifications et même des révocations, sur la base d’allégations préjudiciables et non étayées d’un risque de financement du terrorisme.

Le rapport révèle comment, alors que le Canada intensifiait ses tentatives de lutte contre le financement du terrorisme après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, l’ARC et sa Direction des organismes de bienfaisance ont été chargées de surveiller le travail des organismes caritatifs musulmans au Canada en partant du principe non fondé qu’ils posaient le plus grand risque de financement du terrorisme.

Ce travail a été effectué en grande partie en secret, soumis à peu ou pas d’examen extérieur ou de justification publique du soi-disant risque posé par les organismes de bienfaisance musulmans. Conséquemment, ce profilage et ce ciblage d’organismes caritatifs musulmans sont passés largement inaperçus et ont échappé à une remise en question.

Le rapport montre que la Division de la revue et de l’examen (DRE), division peu connue de l’ARC, en collaboration avec d’autres ministères et agences, cible les organisations caritatives musulmanes :

  • L’évaluation nationale des risques (ENR) du gouvernement canadien en matière de financement du terrorisme dans le secteur caritatif se concentre presque exclusivement sur les organismes caritatifs musulmans, et entièrement sur les organismes caritatifs basés dans des communautés racisées, avec peu ou pas de justification publique du risque;
  • Cette évaluation des risques est utilisée pour justifier la surveillance, le contrôle et les vérifications des principaux organismes caritatifs musulmans sur des motifs douteux;
  • La DRE opère en majeure partie dans le secret, en tandem avec les agences de sécurité nationale, avec peu ou pas de reddition de comptes et de faisant l’objet d’aucun examen indépendant;
  • Entre 2008 et 2015, 75 % de tous les organismes caritatifs révoqués par la DRE à la suite de ces vérifications secrètes étaient musulmans, ce qui a nui à ce secteur d’activité et a eu une incidence sur toute la communauté musulmane au Canada. Le nombre de vérifications et de révocations avant et après cette période est inconnu, n’ayant jamais été rendu public.

Le rapport recommande les mesures suivantes :

  1. Que le gouvernement fédéral soumette cette question à l’examen de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR) afin d’examiner l’ensemble des processus de la DRE de l’ARC, et plus particulièrement la sélection des organismes caritatifs musulmans aux fins de vérification, pour s’assurer que les organismes ne sont pas ciblés en raison de préjugés raciaux ou religieux;
  2. Que la ministre du Revenu national déclare un moratoire immédiat sur la vérification ciblée des organismes caritatifs musulmans par la DRE, jusqu’à ce que l’examen soit terminé;
  3. Que le ministère des Finances réexamine le cadre réglementaire, politique et législatif antiterroriste, en particulier l’ENR de 2015 et son impact, notamment sur la communauté musulmane[2];
  4. Que le gouvernement fédéral modifie la loi sur l’OSSNR pour permettre au public de déposer des plaintes concernant les activités de l’ARC liées à la sécurité nationale;
  5. Que l’OSSNR et le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR) se coordonnent pour effectuer des examens réguliers des activités antiterroristes de l’ARC à l’avenir, y compris la Direction des organismes de bienfaisance et la DRE.

La publication de notre rapport, couplée à un lancement public (disponible en ligne[3]), a suscité l’intérêt du public et a été suivi d’un important travail de plaidoyer. Notre campagne d’envoi de lettres[4] a généré plus de 2 400 courriels adressés aux représentant⋅es du gouvernement. De plus, nous avons rédigé une lettre commune[5] adressée au premier ministre et endossée par plus de 130 groupes soutenant nos recommandations. Le rapport a fait grand bruit dans les médias, entraînant la publication de plus de 75 articles et chroniques. Le premier ministre a été contraint de réagir immédiatement en exprimant son inquiétude et en reconnaissant « qu’une discrimination systémique existait dans toutes les institutions[6] ».

Cette question s’est retrouvée au cœur du Sommet national sur l’islamophobie de juillet 2021. L’administration Trudeau a chargé l’ombudsman des contribuables, François Boileau, d’enquêter sur les préoccupations des organisations caritatives en matière de discrimination systémique, et plus particulièrement des organisations caritatives musulmanes et celles qui sont dirigées par des personnes racisées. L’ombudsman devait également examiner les efforts déployés par l’Agence du revenu pour éradiquer la discrimination. Craignant que le mandat de l’ombudsman ne soit trop étroit pour lui permettre d’examiner l’ensemble du système, nous avons fait part de nos inquiétudes aux médias et avons été abondamment cité⋅es.

Bien que cette enquête ne corresponde pas à ce que nous avions demandé, nous étions tout de même optimistes en raison de la rapidité avec laquelle le gouvernement avait réagi. Nous avons également communiqué fréquemment avec le bureau de l’ombudsman pour lui offrir notre soutien, nos conseils et suivre l’évolution de l’enquête. Voilà pourquoi, en février 2022, nous avons été surpris⋅es et déçu⋅es par une mise à jour de cet examen qui ne mentionnait pas une seule fois l’islamophobie. On proposait plutôt d’examiner l’« équité » dans son ensemble plutôt que de se pencher sur des problèmes spécifiques, tout en ajoutant que le bureau n’enquêterait pas sur le rôle des agences de sécurité nationale du Canada dans ce domaine. Nous avons envoyé une lettre ouverte au gouvernement Trudeau pour lui faire part de nos préoccupations et lui indiquer les éléments importants que l’examen devrait impérativement inclure[7].

En novembre 2022, l’ombudsman des contribuables a déclaré au Comité sénatorial permanent des droits de la personne (RIDR) que son bureau travaillait avec une main attachée dans le dos et que, n’ayant pas accès à certaines informations cruciales, le rapport qui en résulterait présenterait des lacunes. Nous avons réagi en rencontrant l’ombudsman, en publiant un article d’opinion[8] sur ces développements troublants et en assurant le suivi auprès du ministère des Finances concernant la mise à jour des politiques d’évaluation des risques pour le secteur des œuvres caritatives. En réponse aux préoccupations importantes soulevées par l’enquête de l’ombudsman, l’OSSNR a lancé son propre examen sur cette question en mars 2023, se conformant ainsi à l’une de nos recommandations formulées en juin 2021!

Le rapport de l’ombudsman, publié plus tard le même mois, reflétait les préoccupations qu’il avait exprimées au Sénat. En dépit de la diligence dont il a fait preuve, il n’a pas répondu aux principales préoccupations que nous avions soulevées. Nous avons réagi en demandant au gouvernement, une fois de plus, de suspendre les travaux de la DRE et les vérifications en cours jusqu’à ce que l’OSSNR ait terminé son examen et que des changements législatifs aient été apportés[9].

Pour en savoir davantage sur cette question et passez à l’action, visitez : https://iclmg.ca/fr/les-verifications-prejudiciables-de-larc/


Tim McSorley est le coordonnateur national de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles

Notes de bas de page

[1] Tim McSorley, Les vérifications préjudiciables de l’ARC : La lutte au terrorisme et ciblage des organismes de bienfaisance musulmans au Canada, CSILC, 8 juin 2021 : https://iclmg.ca/fr/les-verifications-prejudiciables-de-larc/

[2] Au milieu de l’année 2023, le ministère des Finances a publié une version actualisée de l’évaluation nationale des risques. Bien que cette version comporte une nouvelle formulation mettant en garde contre l’utilisation des conclusions de l’évaluation comme « base ou justification d’un comportement ou d’une action discriminatoire à l’égard de communautés spécifiques au Canada ou à l’étranger », le ministère continue à situer le risque le plus élevé de financement du terrorisme au sein des organisations caritatives liées aux communautés et aux diasporas racisées ou dans celles qui opèrent à l’échelle internationale. En effet, le ministère s’est une fois de plus concentré principalement sur les risques de « terrorisme islamiste », sans que le financement effectif du terrorisme ait été prouvé.

[3] Tim McSorley, « Vidéo: Les verifications préjudiciables de l’ARC avec l’auteur Tim McSorley », CSILC, 10 juin 2021 (en anglais) : https://iclmg.ca/prejudiced-audits-event/

[4] Xan Dagenais, « Arrêtez les vérifications préjudiciables des organismes de bienfaisance musulmans », CSILC, 9 juin 2021 (en anglais) : https://iclmg.ca/stop-prejudiced-audits/

[5] Tim McSorley, « Lettre au premier ministre : Arrêtez les vérifications préjudiciables des organismes de bienfaisance musulmans », CSILC, 23 juin 2021 (en anglais) : https://iclmg.ca/prejudiced-audits-letter/

[6] Achau Luu, « Trudeau aborde la question d’une éventuelle partialité de l’ARC à l’égard d’organisations caritatives dirigées par des musulmans ». OMNI, 26 juillet 2021 (en anglais): https://www.omnitv.ca/there-is-discrimination-in-all-systems-trudeau-addresses-potential-cra-bias-against-muslim-led-charities/

[7] Tim McSorley, « Le gouvernement doit prendre des mesures audacieuses s’il veut vraiment résoudre le problème de l’islamophobie systémique dans le cadre des vérifications antiterroristes de l’ARC », CSILC, 10 février 2022 (en anglais) : https://iclmg.ca/government-must-take-bold-action-if-it-is-serious-about-resolving-systemic-islamophobia-in-cra-counter-terrorism-audits/

[8] Tim McSorley, « La persécution des organismes caritatifs musulmans par le Canada doit cesser », The National Post, 5 décembre 2022 (en anglais) : https://nationalpost.com/opinion/canadas-persecution-of-muslim-charities-must-stop

[9] Tim McSorley, « Le rapport de l’ombudsman des contribuables sur la partialité systémique à l’Agence du revenu du Canada démontre la nécessité d’un moratoire, d’une imputabilité et de transparence », CSILC, 27 mars 2023 (en anglais) : https://iclmg.ca/taxpayers-ombudsperson-report-on-systemic-bias-at-canada-revenue-agency/

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La perte des droits de la personne dans la «guerre au terrorisme» : le cas de Hassan Diab

Hassan Diab (au centre à gauche) devant le Parlement avec (de gauche à droite) Don Bayne, avocat; Rania Tfaily, professeure et épouse d’Hassan Diab; Alex Neve, Amnesty International Canada; Roger Clark, Justice pour Hassan Diab; et Tim McSorley, CSILC. Crédit : Alex Neve

Par Roger Clark

Nous avons tendance à considérer la « guerre contre le terrorisme » comme un phénomène du XXIe siècle, inextricablement lié au 11 septembre et à la guerre en Afghanistan qui en a découlé. Je souhaite apporter un éclairage différent à ce sujet, à la lumière de l’attentat meurtrier perpétré devant une synagogue à Paris, une vingtaine d’années plus tôt. À la suite de cet attentat, Hassan Diab est devenu une cible commode et une personnification opportune de la menace terroriste, du moins de la façon dont elle est formulée par l’Occident. Il en est résulté une scandaleuse erreur judiciaire dont Hassan Diab est encore aujourd’hui la victime. En effet, la France décida d’ouvrir un procès motivé par des raisons politiques en avril 2023 et, de manière choquante – malgré des preuves du contraire – a déclaré Hassan Diab coupable par contumace ce mois-là.

Le 4 août 1978, la Convention européenne pour la répression du terrorisme est entrée en vigueur. De ce fait, les pays membres du Conseil de l’Europe voulaient renforcer la coopération à la fois à l’échelon national – par le biais de politiques de prévention – et à l’échelle internationale – en modifiant les accords d’extradition et d’assistance mutuelle existants. Les pays membres ont déclaré en soutien à cette convention qu’ils étaient :

Conscients de l’inquiétude croissante causée par l’augmentation des actes de terrorisme; désireux de prendre des mesures efficaces pour que les auteurices de ces actes n’échappent pas aux poursuites et aux sanctions; convaincus que l’extradition est une mesure particulièrement efficace pour parvenir à ce résultat [c’est l’auteur qui souligne].

Il n’est donc pas surprenant que le Canada se soit déjà activement attelé à aligner sa législation en matière d’extradition, ancienne et dépassée, sur celle de ses alliés européens. La Loi sur l’extradition qui en découle est entrée en vigueur en juin 1999. Ses failles et ses dysfonctionnements sont aujourd’hui évidents aux yeux de toustes, en grande partie à la suite de l’expérience de ceulles qui ont été pris⋅es au piège de ses dispositifs d’approbation automatique.

En septembre 2022, la décision prise par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne « d’entreprendre une analyse approfondie sur la réforme de la loi sur l’extradition », en vue d’obtenir des recommandations[1] sur « la manière de remanier le système actuel », constitue une lueur d’espoir dans ce contexte judiciaire obscur. Pour reformuler une expression populaire : « quand c’est brisé, il vaut mieux réparer ».

Ce n’est pas un hasard si l’enquête sur l’attentat meurtrier du 3 octobre 1980 devant la synagogue de la rue Copernic, à Paris, a soudainement été réactivée en 1999. L’affaire est restée en suspens pendant près de 20 ans. Des renseignements secrets sans source et non vérifiés ont mentionné le nom de « Hassan Diab ». Huit ans se sont écoulés avant que la France ne demande l’arrestation et l’extradition d’Hassan.

Ce n’est ni le lieu ni le moment d’analyser les cinq années de procédures judiciaires qui ont abouti à l’embarquement d’Hassan Diab dans un avion pour Paris, le 14 novembre 2014. Il a passé trente-huit mois à la prison de Fleury-Mérogis, la plupart du temps en isolement. Les deux juges d’instruction antiterroristes chargés de l’affaire ont conclu qu’il n’y avait pas de preuves justifiant le renvoi de Hassan devant un tribunal. Il a été libéré sans condition et renvoyé au Canada le 15 janvier 2018. Jusqu’à 2023, il n’avait jamais été inculpé ni jugé. Quinze ans après son extradition, le cauchemar continue avec sa condamnation en France.

Je terminerai par cette brève citation tirée de la décision du juge Robert Maranger approuvant l’extradition de Hassan en 2011 : « […] le dossier présenté par la République française à l’encontre de M. Diab est faible; les perspectives de condamnation dans le cadre d’un procès équitable semblent peu probables. »

Tout est dit.

Je tiens à remercier la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC) pour le travail remarquable qu’elle accomplit depuis tant d’années. Tim et Xan méritent notre reconnaissance collective pour avoir conçu et développé cet espace essentiel où la collaboration, les partenariats et le courage mis au service de la défense des droits de la personne peuvent s’épanouir et devenir plus efficaces.

Pour plus d’informations et pour agir : justiceforhassandiab.org et iclmg.ca/fr/lettre-diab


Roger Clark est l’ancien directeur d’Amnistie internationale (Canada), un militant de longue date qui œuvre pour la promotion, la protection et le respect des droits de la personne à l’échelle internationale.

Note de bas de page

[1] Le rapport de l’étude a été publié depuis : Randeep Sarai, Réforme du régime canadien d’extradition : Rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, Parlement du Canada, Juin 2023 : https://www.noscommunes.ca/documentviewer/fr/44-1/JUST/rapport-13

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La lutte pour le retour des Canadien.nes détenu.es dans le nord-est de la Syrie

La mère de Jack Letts, Sally Lane, et le défenseur de la justice sociale Matthew Behrens à la Cour suprême du Canada. Crédit : Libérez Jack Letts

Par Justin Mohammed

Depuis quatre ans, des dizaines de citoyennes canadiennes – dont la moitié sont des enfants – sont détenues arbitrairement dans le nord-est de la Syrie. La plupart d’entre eulles vivent dans des camps sordides, dans des conditions que la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste a qualifiées de torture et de peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants. Jusqu’à très récemment, le public, les médias et les dirigeantes politiques canadiennes n’avaient pas pleinement pris la mesure de leur souffrance. Contrairement à d’autres, comme Michael Kovrig et Michael Spavor, dont les noms nous sont devenus familiers grâce aux efforts louables du gouvernement canadien pour les rapatrier de la Chine, les Canadiennes détenues dans le nord-est de la Syrie se sont vues opposer une multitude de justifications pour expliquer pourquoi le Canada ne les rapatrie pas.

Dès qu’elle a eu connaissance de cette situation, la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC) a défendu sans relâche les droits fondamentaux de ces citoyennes. En 2019, une coalition formée d’universitaires, d’organisations de la société civile et de juristes s’est réunie pour discuter de la manière de remédier à cette situation. La CSILC a joué un rôle de premier plan dans ces échanges. En janvier 2020, après un an de plaidoyer auprès du gouvernement, de collecte d’informations auprès des proches des détenues et d’élaboration de stratégies visant à faire pression sur le gouvernement pour qu’il agisse, la coalition a porté cette question sur la place publique. Elle a écrit au premier ministre Justin Trudeau, le sommant de prendre les mesures nécessaires pour rapatrier ces ressortissantes. En juin 2020, Human Rights Watch a publié un rapport historique sur les détenues canadiennes qui a servi de tremplin à la CSILC et à diverses organisations pour poursuivre leur travail de plaidoyer sur cet enjeu. Au cours du premier semestre 2021, le Comité des affaires étrangères de la Chambre des communes et son Sous-comité des droits internationaux de la personne ont tenu des audiences sur le sujet, durant lesquelles, notamment, Amnistie internationale Canada anglophone, Save the Children, Human Rights Watch ont témoigné de l’urgence d’agir.

La première avancée est survenue en octobre 2020, lorsqu’une orpheline de 5 ans a finalement été rapatriée au Canada. Depuis lors, la CSILC a joué un rôle de premier plan dans le maintien de la pression sur le gouvernement du Canada. Elle s’est levée contre la politique consulaire secrète conçue par Affaires mondiales Canada, politique qui établit un cadre entièrement distinct pour les Canadiennes détenues dans le nord-est de la Syrie. En juin 2022, elle a organisé un webinaire soulignant les parallèles entre la situation des détenues canadiennes et la détention illégale pratiquée par les États-Unis à Guantánamo. Depuis lors, un certain nombre de détenues canadiennes ont pu rentrer au pays, mais plusieurs sont toujours piégées dans le nord-est de la Syrie.

Le gouvernement canadien n’ayant guère agi, en décembre 2022, les avocates Lawrence Greenspon et Barbara Jackman ont porté le cas des détenues canadiennes devant la Cour fédérale du Canada, dans le but de contraindre le gouvernement à agir. Malheureusement, le gouvernement du Canada continue de nier toute responsabilité juridique à l’égard de ces Canadiennes, alors qu’il a les moyens de mettre fin aux violations des droits de la personne dont iels sont victimes quotidiennement. Cette intransigeance indique qu’il n’a toujours pas assimilé les leçons tirées des commissions et rapports antérieurs – tels que Arar et Iacobucci – et le rapport du vérificateur général de 2018 sur les services consulaires. Le traitement scandaleux réservé aux Canadiennes détenues en Syrie est malheureusement destiné à constituer le prochain chapitre de cette histoire honteuse.


Justin Mohammed est l’ancien gestionnaire de programme (Campagnes et plaidoyer) à Amnistie internationale Canada anglophone, et l’ancien représentant d’Amnistie au sein du comité directeur de la CSILC.

Canada : ramenez-les à la maison!

Par Xan Dagenais

Le 20 janvier 2023, le juge de la Cour fédérale Henry Brown a statué que le Canada devait rapatrier les Canadiennes détenues illégalement et arbitrairement dans le nord-est de la Syrie dans des conditions que les responsables des Nations Unies ont jugées proches de la torture. Brown a écrit que le gouvernement avait violé l’article 6 de la Charte canadienne des droits et libertés – garantissant aux citoyennes le droit de demeurer au Canada, d’y entrer ou d’en sortir – et devait agir « dès que raisonnablement possible » pour rapatrier les Canadiennes. Depuis, le gouvernement a rapatrié plusieurs femmes et enfants canadiennes, mais pas toustes les Canadiennes.

Le gouvernement canadien a fait appel et, à notre grande déception, la Cour d’appel fédérale a annulé la décision du tribunal inférieur. Les familles des Canadiennes abandonnées en Syrie ont récemment demandé à la Cour suprême de reconsidérer sa décision choquante de ne pas entendre leur appel et de ne pas jouer son rôle de garante des droits et de la justice, puisque le gouvernement ne le fait pas de son propre chef.

Le gouvernement n’a toujours aucune justification pour refuser de rapatrier toustes les Canadiennes détenues. Il n’affirme aucunement qu’iels aient participé à ou soutenu des activités terroristes, et le juge Brown n’a vu aucune preuve qu’une détenue ait commis des infractions contraires à la loi canadienne.

Il demeure essentiel d’envoyer un message fort au gouvernement pour qu’il agisse rapidement. Chaque jour où le gouvernement ne rapatrie pas ces Canadiennes, il met leur vie en danger en raison de la maladie, de la malnutrition, de la violence et des conflits armés en cours, notamment des bombardements de l’armée turque.

Passez à l’action et partagez largement (en anglais) : iclmg.ca/repatriate-all-canadians


Xan Dagenais est responsable des communications et de la recherche à la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles

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