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Éditorial – Liste d’interdiction de vol : qu’est-ce que le gouvernement essaie-t-il de cacher?

no_flying_wide.5697beccdf526Par Monia Mazigh – En janvier 2016, la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC), avec l’aide de Ken Rubin, un activiste de l’accès à l’information de longue date au Canada, a déposé une demande d’accès à l’information sur la liste d’interdiction de vol (la « no-fly list »).

Plus précisément, nous avons demandé le nombre par année de notifications écrites envoyées à des particuliers pour les aviser qu’illes ne peuvent voler. En outre, étant donné les rapports des médias sur les nombreux cas d’enfants canadiens soumis à des doubles vérifications ainsi qu’à des délais répétés avant d’embarquer à bord d’avions dans des aéroports canadiens, nous avons voulu en savoir davantage sur qui est inscrit sur la liste d’interdiction de vol, en particulier les mineurs. Et enfin, nous avons posé des questions sur le processus d’appel ou de recours.

La semaine dernière, nous avons reçu 88 pages de documents. Seulement 8 pages n’étaient pas censurées. Le reste était une succession de pages blanches sur lesquelles l’information était cachée pour des raisons, selon le gouvernement, de confidentialité, de sécurité nationale, d’enquêtes sur la criminalité, du respect de la loi, et d’autres motifs.

Les documents, principalement des notes de service, classés “Top secret” ou parfois “Secret”, ont été écrits par John Davies, le directeur général de la Direction nationale de la politique de sécurité, du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile. Ces notes ont été adressées à l’attention du sous-ministre adjoint principal. Elles sont au sujet des recommandations du Groupe consultatif sur les personnes spécifiées. À la fin de 88 pages, les notes de service sont signées par un autre haut fonctionnaire, Ratu Banerjee, apparemment le directeur général par intérim.

Le mandat du Groupe consultatif sur les personnes spécifiées (GCPS) est d’identifier les personnes qui devraient être prises en considération pour la spécification et de fournir des conseils au ministre de la Sécurité publique pour déterminer quels individus devraient être précisés, c’est à dire mis sur la Liste des personnes précisées ou “Liste d’interdiction de vol”.

Le président du GCPS est le directeur général de la Direction nationale de la politique de sécurité. D’autres membres votants comprennent des hauts fonctionnaires du SCRS, de l’ASFC, de la GRC et de Transports Canada. Un avocat principal du ministère de la Justice et le chef des opérations pour le Programme de protection des passagers de Transports Canada participent aux réunions, mais seulement à titre consultatif. Il est intéressant d’apprendre qu’un haut fonctionnaire du CSTC peut être invité, à titre consultatif, lorsque les personnes considérées pour la spécification le sont entièrement ou dans une large mesure sur la base d’information tirée des signaux de renseignement. Le GCPS se réunit tous les 30 jours ou moins, et c’est Transports Canada qui est chargé de transmettre les noms des personnes spécifiées aux transporteurs aériens.

Dans la Loi sur l’aéronautique qui a été utilisée par le gouvernement canadien en 2007 afin de créer le Programme de protection des passagers, il n’y a pas de critères explicites pour la spécification. Ce n’est également pas clair comment la Loi a été interprétée afin d’utiliser des «motifs raisonnables de soupçonner» en tant que critère pour ajouter des noms à la liste. Les mémos expliquent en outre que «le soupçon raisonnable doit être appuyé par des éléments de fait présentés en preuve», mais ils n’y a pas davantage de précision sur cet aspect ou du moins nous ne voyons rien dans les documents sur cette question.

Le GCPS suggère une série de mesures à appliquer aux personnes spécifiées:

– Le refus de transport;

– L’exigence d’un contrôle supplémentaire;

– L’autorisation de voyager que si un officier est à bord.

Donc, fondamentalement, même si nous sommes autorisés à embarquer dans un avion, cela ne signifie pas que notre nom ne figure pas sur une liste. Cela peut signifier que nous sommes autorisés à voyager parce qu’il y a un maréchal de l’air à bord de l’avion contrôlant nos mouvements et assurant soi-disant la sécurité de l’avion.

Les documents traitent superficiellement de la question de la de-spécification dans les termes suivants: “Pour veiller à ce que les informations sur les personnes spécifiées reste exactes et à jour, et par conséquent que les motifs de la spécification sont toujours en cours, à chaque réunion mensuelle le président du Groupe consultatif demandera aux membres si ils ont de nouvelles informations sur des individus précis”.

Cependant, nous ne savons pas s’il existe des cas de Canadiens qui ont été retirés de la liste. Nous avons aussi appris que «le ministère ou l’organisme qui a désigné à l’origine une personne pour la spécification informera le Groupe consultatif quand il n’a plus de motifs raisonnables de soupçonner qu’il ou elle constitue une menace pour la sécurité de l’aviation.”

La lecture de ces pages est une sorte d’un jeu de devinettes. Une comédie avec distribution asymétrique de l’information, où le gouvernement nous empêche de voir l’image complète.

Nous avons déduit de ces pages que certains documents qui nous ont été remis préexistaient le projet de loi C-51, alors que d’autres pages nous renseignent sur la situation du Programme de protection des passagers après l’introduction du projet de loi C-51. L’indice réside dans le seuil pour la spécification des individus. Avec le projet de loi C-51, ce seuil a été abaissé pour inclure ceux qui voyagent par voie aérienne dans le but de commettre des actes terroristes ou d’adhérer à des groupes terroristes à l’étranger.

Malheureusement, ces documents ne répondent pas à nos questions initiales: combien de Canadiens sont sur la liste d’interdiction de vol? Pourquoi les enfants, comme Adam Ahmed, le fan de hockey de Toronto, sont toujours sur la liste sans possibilité à ce jour de les en retirer?

Toute la question de la réparation et de recours reste un mystère total.

Voir les documents obtenus en vertu de la Loi sur l’accès à l’information (en anglais seulement)

Éditorial – Piégé par la GRC : Quand s’arrête la fiction et commence la réalité?

john-nuttall-and-amanda-korodyPar Monia Mazigh – En juin 2015, John Nuttall et Amanda Korody, deux musulmans canadiens, ont été reconnus coupables de terrorisme. Ils ont été arrêtés parce que la GRC a accusé la paire d’avoir planifié de faire sauter l’assemblée législative de la Colombie-Britannique. Depuis 2001, plusieurs musulmans canadiens ont été arrêtés et reconnus coupables de terrorisme. L’une des affaires de terrorisme les plus connues est celle des « Toronto 18 ». Dans ce cas particulier, certains avocats de la défense ont tenté de faire valoir que leurs clients avaient été piégés par des informateurs qui les auraient enflammés et auraient facilité la planification des actes terroristes. À cette époque, ces arguments ont été rejetés par le juge et plusieurs des accusés ont été reconnus coupables de terrorisme.

Ce qui est inhabituel dans le cas de Nuttall et Korody est que lors de leur procès, la juge est devenu préoccupée par la possibilité que le couple ait été piégé. En effet, un agent d’infiltration de la GRC, se faisant passer pour un riche homme d’affaires arabe, s’est lié d’amitié avec le couple et les a aidés à planifier l’attentat. Pendant le procès, le chef d’une équipe de la GRC chargée d’enquêter sur des suspects potentiels de terrorisme a témoigné devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique « qu’il était préoccupé par la possibilité que des individus soient piégés et par l’abus de procédure au début d’une opération policière. »

L’avocat du couple a fait valoir que Nuttall et Korody ont été manipulés par les informateurs de la GRC afin de faire exploser des bombes fabriquées à partir d’autocuiseurs à l’assemblée législative de Victoria le jour de la fête du Canada en 2013. Le couple, qui s’est converti à l’Islam, souffre de toxicomanie et vivait de l’aide sociale avant d’être arrêtés. Les notes des policiers laissaient aussi entendre que Nuttall pourrait souffrir d’un « retard de développement ». Il est important de mentionner ces faits puisque, si la juge détermine que la police a bel et bien piégé le couple, ils viendraient renforcer la thèse selon laquelle la police aurait tendance à cibler des personnes vulnérables comme potentiels « terroristes en herbe ».

En 2013, un rapport du service de recherche du Congrès américain a indiqué que « depuis les attaques du 11 septembre, 2001 (9/11), le FBI a mis en œuvre une série de réformes destinées à se transformer d’une agence d’application de la loi largement réactive et axée sur les enquêtes sur les activités criminelles vers une agence plus proactive, agile, flexible, reposant sur le renseignement et qui peut prévenir les actes de terrorisme ».

En effet, l’une des méthodes adoptées par le FBI est l’introduction d’un informateur ou « agent provocateur » dans la vie de « personnes vulnérables » pour leur parler et les inciter à commettre un acte terroriste.

En 2014, Human Rights Watch (HRW) a publié un rapport, « Illusion of Justice », qui documente 27 cas d’anti-terrorisme. Le rapport de HRW indique que, « selon plusieurs études, près de 50 pour cent de plus de 500 condamnations antiterroristes fédérales résultent de l’utilisation d’informateurs; près de 30 pour cent de ces cas ont été des opérations dans lesquelles l’informateur a joué un rôle actif dans la planification sous-jacente de l’attaque. » En outre, le rapport a constaté que dans de nombreux cas où la provocation policière avait été déployée, des personnes ayant un handicap mental et intellectuel avaient été prises pour cible.

De retour au Canada, l’utilisation de la provocation policière semble être une réalité possible dans le cas de Chiheb Esseghaier et Raed Jaser. Un informateur du FBI s’est aussi fait passer pour un homme d’affaires arabe riche qui voulait aider les suspects dans la réalisation d’actes de violence. L’état mental de l’un des suspects (Chiheb Esseghaier) et la précarité de la situation financière de Raed Jaser et du statut juridique de Ahmed Abbasi(1) au Canada (qui a été libéré après avoir passé 17 mois en détention aux États-Unis), ont été utilisés comme facteurs vulnérables afin de pousser les suspects plus loin dans la réalisation de complots terroristes.

Ceci, bien sûr, n’excuse pas les idées favorables aux idéologies violentes que les suspects détiennent mais néanmoins il est intéressant de poser la question: « auraient-ils encore prévu ou commis certains actes si l’agent d’infiltration ne les avait pas encourager à le faire? »

Au Canada, une enquête indépendante est nécessaire afin de révéler aux Canadien.nes si la GRC a utilisé les mêmes stratégies que le FBI. La décision de la juge de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, Catherine Bruce, en ce qui concerne l’affaire Nuttall et Korody sera peut-être la meilleure raison de le faire. Toutefois, le procès fut récemment suspendu après que le SCRS ait refusé une fois de plus de remettre des documents relatifs à leur implication dans le complot. Nous pourrions être tenu dans l’ignorance pendant très longtemps.


 

(1) Selon Karen Greenberg, the director of the Center on National Security at Fordham Law School in New York, Ahmed Abbasi box Seems to be the first and only time que la defense of entrapment was successfully used to terrorism-have-related expenses dropped.

Sources:

http://ici.radio-canada.ca/regions/colombie-britannique/2015/06/14/005-proces-nuttall-korody-terrorisme-inquietudes-human-rights-watch.shtml

https://theintercept.com/2016/02/18/fbi-wont-explain-its-bizarre-new-way-of-measuring-its-success-fighting-terror/

https://www.hrw.org/report/2014/07/21/illusion-justice/human-rights-abuses-us-terrorism-prosecutions

http://news.nationalpost.com/news/canada/expelled-tunisian-student-suspected-in-via-rail-plot-says-real-instigator-is-mysterious-fbi-agent

http://www.thealfalfafield.com/2016/02/b-c-terror-trial-suspended-indefinitely-after-csis-refuses-to-discuss-their-involvement-in-plot/

Des groupes canadiens appellent le gouvernement à respecter le droit à la dissidence

Droit à la dissidenceAujourd’hui, nous joignons nos voix afin d’exprimer notre profonde inquiétude envers la motion de l’Opposition condamnant le mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS).

Nous sommes fermement engagés dans la protection et la promotion des droits et libertés démocratiques pour tou.tes les Canadien.nes. Le droit à la dissidence est enchâssé dans la Charte canadienne des droits et libertés. Toutes tentatives de criminaliser, condamner, intimider et réduire au silence les actions pacifiques et non-violentes d’individus ou groupes appuyant ou sympathisant avec le mouvement BDS doivent être rejetées.

Critiquer ou opposer les politiques du Canada et/ou d’un pays étranger ne devrait pas être condamné : cela est l’essence même de notre liberté et notre démocratie. Nous demeurons déterminés à protéger et promouvoir ces principes et nous appelons notre gouvernement à en faire de même.

La Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC)

Le Congrès du travail du Canada (CTC)

L’Église Unie du Canada (EUC)

La Ligue des droits et libertés (LDL)

Le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP)

Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP)

Les Voix juives indépendantes (VJI)

The Canadian Friends Service Committee (Quakers)

AGISSEZ MAINTENANT!

Dites à votre député.e que vous vous opposez à la motion anti-boycottage