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Introduction: La Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles

Membres et partenaires de la CSILC à notre assemblée générale en 2018. Crédit : CSILC

Qui sommes-nous?

La Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC) est une coalition nationale d’organisations de la société civile canadienne créée à la suite de l’adoption précipitée de la Loi antiterroriste de 2001. Le mandat de la CSILC est de défendre les libertés civiles et les droits de la personne dans le contexte de la soi-disant « guerre au terrorisme ». La coalition regroupe 45 ONG, syndicats, associations professionnelles, groupes confessionnels, organisations environnementales et humanitaires, groupes de défense des droits humains et des libertés civiles, ainsi que représentant les communautés immigrantes et réfugiées au Canada.

Même si nous reconnaissons l’obligation des États de protéger les citoyen⋅nes sur leurs territoires, nous regrettons la façon dont la plupart interprètent cette obligation en limitant les libertés démocratiques. Il est illusoire de défendre la démocratie, la primauté du droit et une culture des droits de la personne en abdiquant ces mêmes principes. Sécurité et liberté ne sont pas antinomiques. Le respect des droits fondamentaux est une condition essentielle, un élément clé de la sécurité.

Notre mandat consiste à défendre les libertés civiles et les droits de la personne, notamment en lien avec la protection des réfugié⋅es, les groupes minoritaires, la dissidence politique, la gouvernance d’organisations caritatives, la coopération internationale et l’aide humanitaire. Nous intervenons pour contrer les effets négatifs de la lutte contre le terrorisme et de la sécurité nationale.

Nos champs d’intervention sont les suivants :

  • Le suivi de l’évolution et de l’application du programme canadien en matière de sécurité et de « lutte contre le terrorisme », ainsi que ses répercussions sur les communautés et les organisations de la société civile;
  • La diffusion d’informations sur les conséquences des lois et autres mesures antiterroristes auprès de nos membres, de la population, des parlementaires, et des organisations et communautés concernées, notamment par la publication d’une Revue de l’actualité bimensuelle;
  • L’élaboration de réponses communes et concertées pour assurer un processus légal équitable et transparent quand des organisations spécifiques ou des communautés vulnérables sont visées;
  • Les activités de lobbyisme et de plaidoyer auprès des décideur⋅ses politiques, des député⋅es et des comités parlementaires;
  • La collaboration avec des partenaires et des coalitions internationales, ainsi que le travail d’intervention auprès d’entités internationales comme l’Organisation des Nations Unies.

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La lutte contre la législation antiterroriste

Manifestation à Montréal contre le projet de loi C-59. Crédit : cpcml.ca

Par Dominique Peschard

On m’a confié la tâche colossale de présenter en moins de 1000 mots 20 ans de travail de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC) entourant la législation antiterroriste. Il est impossible dans un texte aussi court d’énumérer toutes les interventions relatives à une multitude de textes législatifs. Je me concentrerai donc sur certaines des principales interventions qui illustrent les principes qui ont guidé le travail de la CSILC tout au long de ces années.

La première intervention majeure, qui a donné le ton à toutes les positions ultérieures de la CSILC, fut le rapport intitulé Dans l’ombre de la loi. Il a été soumis par la CSILC en mars 2003 en réponse au premier rapport annuel de Justice Canada sur l’application de la Loi antiterroriste, précédemment le projet de loi C-36. Le rapport soulignait une série de préoccupations fondamentales concernant la « guerre contre le terrorisme » lancée au lendemain du 11 septembre 2001 :

  • L’introduction de la criminalité terroriste dans le Code criminel canadien. La CSILC a souligné à juste titre que les actes terroristes étaient déjà qualifiés de crimes, et que la définition large et imprécise de ce qui constitue « le terrorisme, la facilitation du terrorisme et le financement du terrorisme » pouvait viser une série d’activités de dissidence politique n’ayant rien à voir avec le terrorisme.
  • L’utilisation de l’argument « pour des raisons de sécurité nationale » prive les personnes de leurs libertés et du droit à connaître les « preuves » retenues contre elles. D’autres articles de cette publication fournissent plusieurs exemples de déni du droit à une procédure régulière et à un procès équitable.
  • L’association du terrorisme à l’islam a conduit au profilage racial de toute une communauté.
  • Les pouvoirs de surveillance accordés aux agences de police et de sécurité, et la constitution de vastes banques de données sans possibilité de corriger les erreurs.
  • Les accords sur le partage d’informations avec les États-Unis, sans aucun contrôle quant à l’utilisation de ces informations.
  • L’absence de contrôle et d’imputabilité sur l’utilisation de ces nouveaux pouvoirs extraordinaires.

Le rapport conclut en soulignant que la sécurité ne s’obtient pas en limitant les libertés; au contraire, ce sont les libertés qui garantissent notre sécurité.

Par la suite, en 2006, lors de l’examen parlementaire de la Loi antiterroriste, la CSILC a joué un rôle crucial dans la position finale adoptée par le Nouveau Parti démocratique (NPD) et le Bloc québécois. Elle a également contribué à la rédaction de deux rapports minoritaires déposés au Parlement par ces partis d’opposition. Les rapports minoritaires réclamaient l’abrogation de la loi antiterroriste.

Une longue lutte s’est déroulée entre 2006 et 2011, lorsqu’un gouvernement conservateur minoritaire a tenté de réintroduire deux dispositions (les audiences d’investigation et la détention préventive) qui étaient expirées en raison d’une clause de caducité dans la Loi antiterroriste. La campagne et le plaidoyer des partis d’opposition contre la réintroduction de ces dispositions ont été couronnés de succès… jusqu’à ce que les conservateurs obtiennent la majorité en 2011.

À l’automne 2014, le gouvernement conservateur a saisi le prétexte de l’assassinat de deux militaires canadiens par deux individus isolés pour présenter et adopter le projet de loi C-51, la Loi antiterroriste de 2015, le texte législatif antiterroriste le plus important depuis la Loi antiterroriste de 2001. Entre autres choses, C-51 mit en place un vaste système d’échange d’informations entre les ministères, prolongea la durée de détention d’une personne avant sa comparution devant un juge et donna au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) le pouvoir de commettre des actes illégaux clandestins. La CSILC a joué un rôle très actif au sein d’une large coalition d’organisations opposées au projet de loi C-51. Cette coalition a réussi à sensibiliser et à mobiliser une partie importante de la population contre ce projet de loi.

Manifestation à Ottawa contre le projet de loi C-51. Crédit : Parti communiste du Canada

Après le retour des libéraux au pouvoir en 2015, la CSILC ainsi que plusieurs autres organisations ont entrepris une campagne pour l’abrogation du projet de loi C-51. Mais le gouvernement a ignoré les nombreuses voix qui réclamaient cette abrogation. Il a préféré présenter et adopter un autre texte législatif antiterroriste, le projet de loi C-59, la Loi de 2017 sur la sécurité nationale. Non seulement la loi C-59 n’a pas résolu les problèmes engendrés par la loi C-51, mais elle en a soulevé d’autres. Par exemple, elle a accordé au Centre de la sécurité des télécommunications – la NSA canadienne – le pouvoir de mener des activités cybernétiques défensives et offensives sur le territoire national et à l’étranger. Néanmoins, le projet de loi C-59 constitue une victoire partielle. Depuis 2006, la CSILC a fait campagne sans relâche pour la mise en œuvre d’un mécanisme d’examen pour tous les organismes de sécurité nationale. Ce mécanisme avait été proposé par le juge O’Connor dans son deuxième rapport, à la suite de la Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar. Le gouvernement a finalement répondu à cette demande en créant l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement.

Au fil des ans, la CSILC est systématiquement intervenue devant des comités parlementaires pour contester les attaques législatives contre les droits et libertés et, plus largement, pour informer les député⋅es des dangers inhérents aux mesures qu’on leur demandait d’adopter. La CSILC a également travaillé activement, seule ou au sein de coalitions, pour tenir les citoyen⋅nes informé⋅es sur ces questions. En conséquence, iels sont aujourd’hui plus critiques et plus méfiant⋅es à l’égard des nouvelles mesures de surveillance ou de sécurité qui portent atteinte aux libertés civiles et aux droits de la personne.


Dominique Peschard est coprésident de la CSILC depuis 2012 et il a présidé la Ligue des droits et libertés (LDL) de 2007 à 2015. Il est actuellement membre du comité de la LDL « Surveillance des populations, intelligence artificielle et droits humains ».

Une victoire pour l’aide humanitaire!

Par Tim McSorley & Xan Dagenais

Depuis la création de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC), nous avons mis en garde contre l’impact négatif des lois antiterroristes sur la fourniture de l’aide internationale, en particulier aux populations des régions où sont actives des entités considérées par le gouvernement canadien comme des groupes terroristes. Lorsque les talibans ont repris le contrôle de l’Afghanistan en 2021, le gouvernement canadien a refusé de donner l’assurance que les organisations fournissant une aide internationale, y compris les organisations humanitaires, ne seraient pas poursuivies. Cela a contraint de nombreuses personnes à abandonner leur travail vital dans le pays. Alors qu’une crise humanitaire s’aggravait en Afghanistan, la société civile a fait pression sur le gouvernement pour qu’il modifie la loi afin de créer une voie simple pour à nouveau fournir une aide internationale. Malheureusement, mais sans surprise, le gouvernement a plutôt présenté le projet de loi C-41 qui visait à créer un régime d’autorisation complexe pour permettre aux organisations de fournir une aide internationale dans les zones contrôlées par des groupes considérés comme des « entités terroristes » par le Canada.

Grâce aux pressions concertées de groupes de la société civile, dont la CSILC, le projet de loi a été amendé pour créer, pour la première fois, une exemption dans les lois canadiennes contre le financement du terrorisme pour la fourniture d’aide humanitaire. Bien qu’il s’agisse d’une victoire évidente, des questions subsistent quant à la façon dont le gouvernement interprète l’exemption.

Parallèlement, cette exemption ne s’applique pas aux organisations canadiennes d’aide internationale qui mènent des activités vitales mais qui ne sont pas exclusivement de nature humanitaire, notamment en ce qui concerne la fourniture de services de santé, la défense des droits de la personne, les efforts de consolidation de la paix et le soutien entourant les moyens de subsistance. Ces organisations sont désormais soumises à un processus d’autorisation peu clair, lourd et invasif pour mener à bien leur travail en Afghanistan.

Entre autres préoccupations, ce nouveau régime impose à ces groupes la responsabilité de prouver qu’ils ne violent pas des règles d’évaluation de sécurité vaguement définies. Ces règles permettent au ministre de la Sécurité publique de refuser une autorisation uniquement parce qu’une personne impliquée dans un projet, y compris des partenaires internationaux, a des « liens » indéfinis avec le terrorisme ou a déjà fait l’objet d’une simple enquête pour des motifs terroristes.

La CSILC a documenté à maintes reprises comment des règles aussi vagues entraînent des impacts néfastes, notamment : « la culpabilité par association » basée uniquement sur des allégations non étayées; l’ingérence politique ou le pouvoir discrétionnaire ministériel fondé sur l’opportunisme politique; et la promulgation de préjugés et du racisme à la fois systémiques et individuels.

Nous restons également préoccupés par le fait qu’un régime d’exemption ne résout pas le problème principal : le fait que les lois antiterroristes trop vastes du Canada ont permis que cette situation se produise en premier lieu. Même si un régime d’exemption peut constituer une voie à suivre, il contourne le fait que les lois antiterroristes créent des zones et des entités considérées comme « interdites » et continuent d’avoir un impact injuste et disproportionné sur les pays et régions à majorité musulmane. Nous renouvelons notre appel au gouvernement pour qu’il modifie fondamentalement son approche en matière de lois antiterroristes et de leur application.

Bien que le projet de loi ait reçu la sanction royale en juin 2023, et malgré les assurances du gouvernement selon lesquelles il agirait rapidement, le régime d’autorisation n’a pas encore été lancé au moment de la rédaction de ce texte, en avril 2024, laissant des millions de personnes sans aide indispensable[1].


Tim McSorley est le coordonnateur national de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles

Xan Dagenais est responsable des communications et de la recherche à la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles

Note de bas de page

[1] Depuis la rédaction de cet article, le gouvernement a lancé le régime d’autorisation. Nous partagerons une analyse critique plus tard.

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Puisque vous êtes ici…

… nous avons une faveur à vous demander. À la CSILC, nous travaillons sans relâche afin de protéger et promouvoir les droits humains et les libertés civiles dans le contexte de la soi-disant “guerre au terrorisme” au Canada. Nous ne recevons aucune aide financière des gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral, ni d’aucun parti politique.Vous pouvez devenir notre mécène sur Patreon et recevoir des récompenses en échange de votre soutien. Vous pouvez donner aussi peu que 1$ par mois (c’est seulement 12$ par année!) et vous pouvez vous désabonner en tout temps. Tout don nous aidera à poursuivre notre travail.support-usVous pouvez également faire un don unique ou donner mensuellement par Paypal en cliquant sur le bouton ci-dessous. Vous hésitez à donner? Consulter la page sur nos nombreuses Réalisations et Acquis depuis 2002. Merci de votre générosité!

En conclusion

Par Xan Dagenais & Tim McSorley

Nous espérons que ce survol des 20 dernières années vous aura donné un aperçu des efforts déployés par la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC), en collaboration avec de nombreux⋅ses partenaires, pour limiter l’impact des mesures gouvernementales qui portent gravement atteinte à nos droits au nom de la sécurité nationale et de la « lutte contre le terrorisme ». Nous espérons également que cette publication a renouvelé – ou déclenché – votre engagement dans la lutte pour la protection et la promotion des libertés civiles contre l’impact négatif de la sécurité nationale et de la « guerre contre le terrorisme ».

Les concepts de « la loi et l’ordre » et de « sécurité nationale » sont utilisés sur le territoire appelé Canada, depuis que les colons européens ont décidé que cette terre leur appartenait. La Gendarmerie royale du Canada (GRC) fut créée – dénommée alors Gendarmerie à cheval du Nord-Ouest – en grande partie en tant que force paramilitaire chargée de surveiller, contrôler et déplacer les peuples autochtones, un rôle qu’elle joue encore aujourd’hui.

Les mots « terrorisme » et « menaces à la sécurité nationale » sont puissants. Après des années d’alarmisme incessant de la part des gouvernements et des médias, ces mots suscitent une condamnation automatique pour quiconque est estampillé de ces étiquettes. En conséquence, ces étiquettes sont devenues un outil très efficace pour discréditer et réprimer tout groupe, mouvement ou personne qui s’oppose aux politiques et actions du gouvernement, et qui lutte pour la justice et l’émancipation collective.

Comme les contributeurices à cette publication l’ont démontré, il est impossible de réformer les lois antiterroristes et l’appareil de sécurité nationale pour remédier aux abus et à l’érosion des libertés civiles. Puisque le Code criminel couvre déjà tous les crimes violents, il n’est ni nécessaire ni avantageux d’adopter des lois et des outils de lutte contre le terrorisme et de sécurité nationale.

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