Par Monia Mazigh – L’été dernier, il y a presque un an, je me suis assise avec Marwa Alaradi à la salle de conférence de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC). Sa sœur, Nour, d’autres membres de sa famille et quelques amis l’accompagnaient. Marwa Alaradi, aurait pu être ma propre fille. Elle avait 18 ans, intelligente et éloquente. J’écoutais son histoire, le cœur serré. Une autre histoire douloureuse d’un autre Canadien détenu à l’étranger. Salim Alaradi, un homme d’affaires canadien d’origine libyenne, a été arrêté par les agents de la sécurité de l’état aux Émirats Arabes Unis (EAU), lors de vacances avec sa famille à Dubaï. Il a été emmené devant sa femme dans le hall de leur hôtel pour ne jamais être revu. Marwa Alaradi, en tant que l’enfant ainée de la famille, a ressenti le besoin de se tenir aux côtés de sa mère et de parler au nom de son père. Et elle l’a fait à merveille.
La CSILC a immédiatement décidé de prendre l’affaire et a commencé à parler aux médias en créant de la sensibilisation, mais aussi en mettant de la pression sur le gouvernement. Une lettre adressée à l’ancien Premier ministre, Stephen Harper, a été envoyée conjointement avec Amnistie internationale et d’autres organisations. Le gouvernement canadien est resté silencieux. Salim Alardi est resté en prison aux EAU. Mais peu à peu, des informations sur la torture de Salim Alaradi ont commencé à faire surface. Des chercheurs de Human Rights Watch et d’Amnistie internationale ainsi que des rapports de la Commission des Nations Unies sur les droits de la personne ont dénoncé le caractère arbitraire et abusif de l’emprisonnement de Salim Alaradi. La pression internationale se construisait, mais la réponse du Canada restait encore timide, presque inaudible.
Après, l’élection des libéraux, en tant que militante des droits de la personne, j’ai commencé à percevoir un petit changement. J’ai reçu une réponse à une lettre que j’envoyai à propos de Salim Alaradi, dans laquelle, Stéphane Dion, le ministre des Affaires étrangères nouvellement nommé, nous a promis que le cas de Salim Alaradi était une de ses priorités.
Ceci est exactement ce qui aurait du être fait depuis le premier jour de l’arrestation de Salim Alaradi. Encore mieux, en tant que pays, nous avons besoin d’une stratégie claire à chaque fois qu’un Canadien est détenu à l’étranger, pris dans un dilemme politique. Une telle stratégie a été suggérée par Amnistie internationale Canada l’hiver dernier, la CSILC a été l’un des signataires de cette initiative. Une autre stratégie a été également suggérée par l’Institut Rideau. Gard Pardy, un ancien diplomate et ancien directeur du Bureau des affaires consulaires, a été l’un de ses principaux instigateurs. Malheureusement, jusqu’à présent, ces excellentes propositions restent sur les étagères des fonctionnaires et des politiciens et entre temps, des prisonniers politiques détenus à l’étranger sont laissés aux caprices et aux humeurs changeantes des hommes politiques d’autres pays.
Marwa Alaradi n’a jamais ralenti ses efforts pour demander la libération de son père. Son père a eu de la chance, peut-être sans la persévérance de sa fille, il serait encore dans une cellule sombre dans la prison d’Al Wathba aux EAU.
Après 18 mois de détention, le gouvernement émirati a décidé de porter des accusations à l’endroit de Salim Alaradi, l’accusant à tort de soutenir des groupes terroristes en Libye. Un procès a été fixé puis reporté. Des diplomates canadiens ont assisté au procès. La voix du Canada se faisait entendre. L’attention des médias a suivi. Un article paru dans le Washington Post sur le cas d’un citoyen américain, accusé et détenu avec Salim Alaradi, a créé une onde de choc aux États-Unis. Au point de mettre l’ambassadeur émirati aux États-Unis sur la défensive. C’était exactement ce qu’il fallait faire. Mettre le doigt sur cette “image fragile” que les EAU souhaitait construire et la faire éclater en morceaux en exposant les violations des droits de l’homme, y compris la complicité de nos gouvernements.
Salim Alaradi a été acquitté par le tribunal émirati de toutes les accusations. Après presque deux ans en prison, il est revenu chez lui. Un homme fragile et faible.
Hier, en compagnie d’Alex Neve, secrétaire général d’Amnistie internationale Canada, j’ai rencontré Salim Alaradi ainsi que Marwa, Nour et son fils Mohamed. Ils étaient tous souriant, prêt à entamer un nouveau départ.
Néanmoins, la reddition des comptes, une enquête sur la torture et les leçons apprises restent des points importants qui doivent être sérieusement considérés.
Finalement, le Canada ne doit pas oublier d’adopter, aujourd’hui plus que jamais, une politique pour aider ses citoyens détenus à l’étranger. Laisser cela au travail acharné de certaines familles ou à la bonne volonté de certains politiciens, ne remplacerait jamais une politique claire, forte et cohérente appliquée à tous les Canadiens quand ils en auraient le plus besoin.
Puisque vous êtes ici…… nous avons une faveur à vous demander. À la CSILC, nous travaillons sans relâche afin de protéger et promouvoir les droits humains et les libertés civiles dans le contexte de la soi-disant “guerre au terrorisme” au Canada. Nous ne recevons aucune aide financière des gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral, ni d’aucun parti politique. Tout don nous aidera à poursuivre notre travail. Vous hésitez à donner? Consulter la page sur nos nombreuses Réalisations et Acquis depuis 2002. Merci de votre générosité!
|