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Les débuts de la CSILC et les commissions d’enquête

Conférence Arar+10, uOttawa. CSILC/Sebastian Packer

Cet essai fait partie de la nouvelle publication du 20e anniversaire de la CSILC, Défendre les libertés civiles à l’ère de la sécurité nationale et de la guerre au terrorisme. Assistez au lancement en ligne le 11 septembre 2024 à 19 h HE (en anglais). Cliquez ici pour pour vous inscrire.

Si vous êtes à Montréal, venez au lancement francophone en personne le jeudi 19 septembre à 19h. Cliquez ici pour avoir toutes les informations.

Par Roch Tassé

Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis, et le Canada sous la pression de son voisin, se sont empressés d’adopter une série de lois antiterroristes et d’autres mesures de lutte contre le terrorisme, notamment dans les domaines du contrôle des frontières, du transport aérien et de listes d’entités terroristes. Ces mesures ont mené à un déploiement sans précédent de technologies de surveillance et de collecte de données sur les individus ainsi qu’à des pratiques de tri social et de profilage, qui ont décimé les régimes de protection de la vie privée jusqu’alors considérés comme un droit fondamental dans les soi-disant démocraties.

La Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC) est née des inquiétudes soulevées par l’impact de ces lois et mesures sur les libertés civiles, les droits de la personne, la protection des réfugié⋅es, le droit humanitaire international, la justice raciale, la dissidence politique et le système judiciaire.

La coalition a été créée en mai 2002, six mois après l’adoption de la Loi antiterroriste du Canada en 2001, pour servir de forum d’échange d’informations, d’action collective et d’élaboration de positions politiques communes dans le but de protéger l’État de droit, les libertés civiles et les droits de la personne contre les assauts menés au nom de la sécurité nationale. Elle rassemble des ONG humanitaires et de développement international, des syndicats, des associations professionnelles, des groupes confessionnels, des organisations environnementales, des défenseurs des droits de la personne et des libertés civiles ainsi que des groupes représentant les communautés d’immigrant⋅es et de réfugié⋅es au Canada.

Les principaux objectifs de notre travail étaient alors d’analyser la législation, de surveiller son application et de documenter l’impact de la soi-disant « guerre contre le terrorisme » en vue d’intervenir lors de l’examen parlementaire de la Loi antiterroriste, qui devait avoir lieu cinq ans après son adoption.

Pour ce faire, nous avons établi de manière proactive des collaborations et des alliances avec nos homologues internationaux. Au niveau national, nous nous sommes rapproché⋅es d’autres groupes de défense des libertés civiles, d’organisations communautaires et de partenaires des communautés juridiques et académiques. Entretenir ces relations et construire des réseaux, c’est ce qui a caractérisé le travail de la CSILC lors des nombreuses campagnes menées au cours des 20 années qui ont suivi. Tout au long de notre parcours, nous avons collaboré avec des militant⋅es, chercheur⋅es, juristes et avocat⋅es spécialisé⋅es dans les droits de la personne parmi les plus compétent⋅es et les plus engagé⋅es du Canada.

Très tôt, nous avons aussi engagé le dialogue avec les décideur⋅ses politiques et les médias, et nous nous sommes rapidement imposé⋅es comme une voix crédible sur la Colline. La CSILC a comparu devant de nombreux comités parlementaires au fil des ans et maintient une présence soutenue dans les grands médias du pays.

Mais notre travail de recherche et d’analyse des politiques ne nous a pas caché le visage humain de l’antiterrorisme, qui a orienté notre programme pendant deux décennies.

À l’automne 2002, nous avons fait la connaissance de Monia Mazigh lors d’une réunion à Amnistie internationale Canada. La CIA avait fait disparaître son mari et l’avait envoyé en Syrie où il était torturé dans le cadre du programme états-unien de restitution. Le cas de Maher Arar a révélé et confirmé l’existence de ce programme infâme. Au cours de l’année suivante, la CSILC et ses membres ont soutenu Monia dans une campagne acharnée pour le rapatriement de son mari, contre les efforts du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) pour bloquer son retour au Canada.

Puis, en décembre 2002, un certificat de sécurité a été délivré à l’encontre de Mohamed Harkat. Son cas et ceux de quatre autres hommes ont marqué le début d’une série d’interventions de la CSILC sur la question des « procès secrets » et des déportations comportant des risques de torture. Ces cas et d’autres seront abordés dans les textes suivants.

2004 : Commission O’Connor

Après le retour de Maher Arar au Canada, à l’automne 2003, la CSILC a exercé des pressions et mobilisé du soutien pour la tenue d’une enquête publique sur les événements ayant conduit à la restitution de Maher Arar. En janvier 2004, le gouvernement libéral a créé une commission d’enquête chargée d’examiner les actions des responsables canadiens relativement à l’affaire Arar. Présidée par le juge Denis O’Connor, la Commission a également été chargée de formuler des recommandations concernant le contrôle et l’examen des activités de la GRC en matière de sécurité nationale.

La CSILC a obtenu le statut d’intervenante auprès de la Commission et, au cours des deux années suivantes, nous avons suivi l’ensemble du processus et assisté à presque toutes les audiences. Durant les procédures, la CSILC a été invitée par le juge O’Connor à participer à une table ronde sur le contrôle et l’examen des opérations de sécurité nationale. Dans leur présentation finale à la Commission, nos avocats, feu Warren Allmand et Me Denis Barrette, ont proposé un mécanisme détaillé de plainte et d’examen.

Dans son rapport final de septembre 2006, la Commission a exonéré Maher Arar et conclu que les autorités canadiennes avaient fourni aux États-Unis des renseignements erronés à son sujet. Le juge O’Connor a également recommandé la création d’un mécanisme intégré de contrôle et de plainte pour tous les organismes canadiens de renseignement et de sécurité. Le modèle recommandé diffère de celui proposé par la CSILC, mais en reprend de nombreux éléments.

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Les droits garantis par la Charte seront menacés si le Sénat ne modifie pas le projet de loi sur l’ingérence étrangère

Les droits garantis par la Charte seront menacés si le Sénat ne modifie pas le projet de loi sur l’ingérence étrangère

S’ils n’agissent pas, nous le ferons, disent des groupes de la société civile

19 JUIN 2024 – Dans sa hâte de faire, et d’être perçue comme faisant, quelque chose au sujet du problème très réel de l’ingérence étrangère, la Chambre des communes a adopté en quelques heures le projet de loi C-70, Loi concernant la lutte contre l’ingérence étrangère, lequel est bien intentionné mais profondément défectueux. Soumis à une pression énorme, il semble que le Sénat fera de même aujourd’hui.

En raison de son libellé vague et mal formulé, le projet de loi aura probablement des répercussions importantes – de façon directe et sous la forme d’un effet dissuasif – sur la liberté d’expression, la liberté d’association, la liberté de réunion et le droit à la vie privée, et il pourrait bien être utilisé pour profiler des personnes pour des motifs politiques, raciaux, religieux ou de nationalité. La loi permettra de saper la liberté académique, la liberté de presse, le droit de manifester et de s’engager dans la dissidence, ainsi que des efforts de coopération et de solidarité internationales.

Cela pourrait signifier de mettre fin à des manifestations légitimes perçues par les forces de l’ordre comme étant organisées au profit d’un État étranger. Cela pourrait également signifier d’obliger les universités à fournir des informations au Registre en matière d’influence étrangère si elles travaillent sur un projet de recherche en association avec une université étrangère qui se trouve à être la propriété d’un État étranger.

Si le Sénat manque à sa responsabilité à titre de chambre du second examen objectif en adoptant le projet de loi C-70 sans prendre le temps de l’étudier et de l’amender adéquatement, le Centre pour la liberté d’expression et la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles prévoient de créer un mécanisme surveillant l’utilisation qui sera faite de la loi.

Il s’agira d’un portail web où les individus pourront signaler les cas où ils estiment que leurs droits à la vie privée, à la liberté d’expression, à la liberté de réunion ou à la liberté d’association, protégés par la Charte ainsi que par le droit international, ont été violés dans le cadre de cette nouvelle loi.

Les informations communiquées resteront confidentielles et seront utilisées pour suivre et rendre compte (sans identifier les personnes concernées et en garantissant l’anonymat sur demande) de l’impact de la Loi concernant la lutte contre l’ingérence étrangère. Bien qu’il ne soit pas possible de garantir quelque soutien juridique ou autre, tous les rapports seront examinés et, le cas échéant, il sera possible d’assurer un suivi avec les personnes concernées en vue d’une action ultérieure (communication aux médias, action en justice, etc.).

L’objectif déclaré de la nouvelle législation canadienne sur l’ingérence étrangère est de protéger la participation et les processus démocratiques au Canada. Cet objectif ne peut être atteint si, de façon concomitante, la législation permet de porter atteinte à ces mêmes droits. Le portail aidera à s’assurer de la protection des droits des Canadiens.

Signataires :

Amnistie Internationale, Section canadienne anglophone
Association canadienne des libertés civiles
Association canadienne des professeures et professeurs d’université
Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique
Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles
Conseil canadien des affaires publiques musulmanes
Conseil du Canada de l’accès et la vie privée
Centre pour la liberté d’expression
OpenMedia
Voix juives indépendantes Canada

– 30 –

Pour plus d’informations :

Tim McSorley
Coordinateur national
Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles
613-241-5298
national.coordination@iclmg.ca

Jim Turk
Directeur
Centre pour la liberté d’expression
613-277-0488
jim@jameslturk.com

Puisque vous êtes ici…

… nous avons une faveur à vous demander. À la CSILC, nous travaillons sans relâche afin de protéger et promouvoir les droits humains et les libertés civiles dans le contexte de la soi-disant “guerre au terrorisme” au Canada. Nous ne recevons aucune aide financière des gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral, ni d’aucun parti politique.Vous pouvez devenir notre mécène sur Patreon et recevoir des récompenses en échange de votre soutien. Vous pouvez donner aussi peu que 1$ par mois (c’est seulement 12$ par année!) et vous pouvez vous désabonner en tout temps. Tout don nous aidera à poursuivre notre travail.support-usVous pouvez également faire un don unique ou donner mensuellement par Paypal en cliquant sur le bouton ci-dessous. Vous hésitez à donner? Consulter la page sur nos nombreuses Réalisations et Acquis depuis 2002. Merci de votre générosité!

Ingérence étrangère: Des groupes alarmés exhortent les député.es à prolonger l’étude du nouveau et troublant projet de loi C-70

Credit: Jonathankslim/Wikimedia CC BY-SA 3.0

 

PASSEZ À L'ACTION
(en anglais seulement)

6 juin 2024

Comité permanent de la sécurité publique et nationale
131, rue Queen, sixième étage
Chambre des communes
Ottawa ON K1A 0A6
Canada
SECU@parl.gc.ca

Aux membres du Comité permanent de la sécurité publique et nationale :

Nous vous écrivons aujourd’hui pour vous faire part de nos profondes inquiétudes face à la rapidité avec laquelle le projet de loi C-70, Loi sur la lutte contre l’ingérence étrangère, est actuellement étudié par le Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Un processus précipité pour un projet de loi d’une telle envergure nuira à la capacité de mener une étude complète et significative du projet de loi, risquant ainsi l’adoption de lois qui violeront les droits et libertés, garanties par la Charte, des personnes au Canada.

Nous reconnaissons l’importance de lutter contre le harcèlement, les menaces et la violence contre les personnes, y compris lorsque exécutées par des gouvernements étrangers afin de réprimer l’exercice des droits fondamentaux ou l’engagement dans les processus démocratiques.

Toutefois, les changements proposés par C-70 vont beaucoup plus loin. S’il est adopté, ce projet de loi apportera des changements importants aux systèmes de sécurité nationale, de renseignement et de justice pénale du Canada, en plus de créer un registre d’influence étrangère d’une portée considérable, quoique incertaine. En conséquence, ce projet de loi aura des répercussions importantes sur la vie et les droits fondamentaux des Canadien.nes, notamment des risques de surveillance accrue, de diminution de la vie privée, de limites à la liberté d’expression et à la liberté d’association, de profilage racial, religieux et politique, et d’atteinte à la procédure régulière devant les tribunaux par le recours à des “preuves” secrètes.

Non seulement C-70 a été déposé il y a à peine un mois alors que la Commission sur l’ingérence étrangère est en cours l’étude du projet de loi en comité sera effectuée en une semaine. C’est même plus rapide que l’étude précipitée en comité de la première Loi antiterroriste en 2001 qui n’aura duré qu’un mois. Le résultat est que les organisations et les individus qui auraient demandé à comparaître ou qui auraient soumis des mémoires écrits ne pourront pas le faire dans des délais aussi courts. Développer des amendements spécifiques à proposer d’ici la date limite de vendredi est presque impossible.

La précipitation du processus parlementaire, soutenue par un état de suspicion et des appels ardents à protéger la sécurité nationale, peut avoir des conséquences négatives, graves et durables. Une étude accélérée risque également de passer à côté de moyens d’améliorer le projet de loi pour mieux répondre aux problèmes d’ingérence étrangère.

Nous vous exhortons à travailler avec vos collègues de la Chambre des communes pour prolonger cette étude importante afin d’assurer un débat et une discussion approfondies sur ses vastes dispositions.

Signée par:

Amnistie internationale – Section canadienne anglophone

Association canadienne des avocats musulmans

Association canadienne des professeures et professeurs d’université

Association canadienne des libertés civiles

Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique

Centre pour la liberté d’expression

Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles

Comité des Gurdwaras de l’Ontario

Conseil canadien des affaires publiques musulmanes

Conseil de Gurdwaras de la Colombie-Britannique

Conseil national des musulmans Canadiens

Fédération canadienne des étudiantes et étudiants

Ligue des droits et libertés

OpenMedia

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