Cet essai fait partie de la nouvelle publication du 20e anniversaire de la CSILC, Défendre les libertés civiles à l’ère de la sécurité nationale et de la guerre au terrorisme. Assistez au lancement en ligne le 11 septembre 2024 à 19 h HE (en anglais). Cliquez ici pour pour vous inscrire.
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Par Azeezah Kanji
À mesure que « l’extrémisme » suprémaciste blanc devient un sujet de préoccupation croissante en matière de sécurité nationale, les contradictions liées à l’utilisation d’un appareil gouvernemental raciste pour lutter contre le racisme ne cessent de s’intensifier. Comme l’ont démontré[1] les universitaires féministes, presque tout – et son contraire – est susceptible d’être utilisé contre nous. Cela englobe « l’antiracisme » pratiqué par l’État colonialiste qui perpétue le suprémacisme blanc en son sein, que ce soit par la condamnation de la violence d’un attentat haineux « extrémiste » ou par la violence tolérée des assassinats perpétrés par des policier⋅ères et des militaires, la complaisance envers la torture et l’effacement génocidaire de la souveraineté autochtone.
Aujourd’hui, des projets de loi concernant les contenus préjudiciables en ligne[2] et des restrictions imposées aux manifestations[3] ont été promulgués au nom de la lutte contre le suprémacisme blanc. Pourtant, comme le démontre[4] l’histoire canadienne passée et récente en matière de régulation de la liberté d’expression, ces pouvoirs sont susceptibles d’être utilisés avant tout contre l’activisme autochtone, palestinien, noir et musulman. De même, les politicien⋅nes canadien⋅nes, toutes tendances confondues, ont[5] adopté[6] le recours à la lutte contre le terrorisme pour combattre « l’extrémisme de droite », renforçant ainsi les dispositifs juridiques utilisés principalement[7] contre les musulman⋅es sous prétexte de les protéger. Ainsi, en février 2021, lorsque les Proud Boys ont été inscrits sur la liste des « entités terroristes », neuf groupes[8] islamistes ont été discrètement ajoutés, contribuant ainsi à exacerber le sentiment anti-musulman sous le couvert de lutter contre le racisme.
L’un des groupes « terroristes » nouvellement ajoutés est au Cachemire et opère dans le contexte d’une occupation militaire massive et abusive de l’État indien[9]. En effet, l’Inde se targue[10] de maintenir le ratio le plus élevé au monde du nombre de soldats par rapport au nombre de citoyen⋅nes. Sur cette liste figure également l’organisation caritative IRFAN, pénalisée[11] pour avoir fait des dons médicaux à Gaza alors que, sous l’occupation israélienne, la terreur de « l’apartheid médical[12] » et la destruction[13] d’installations médicales vitales infligées aux Palestinien⋅nes se poursuivent de manière incontrôlée. Comme le souligne une déclaration commune[14] d’expert⋅es en matière de lutte contre le racisme, d’enjeux juridiques et de droits de la personne, rédigée conjointement avec la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC) : « l’inscription d’organisations telles que les Proud Boys aux côtés de groupes palestiniens et cachemiriens établit un amalgame entre des groupes de résistance issus d’une occupation militaire de longue durée, et des suprémacistes blancs et des néonazis, le tout sous la rubrique d’un concept large et incohérent de ‘terrorisme’. » Ces exemples mettent en évidence le caractère incomplet, mais surtout l’important biais idéologique de la notion de « terrorisme » cantonnée à la violence de ceulles qui se trouvent en marge du pouvoir de l’État, alors qu’elle autorise une violence bien plus importante de l’État lui-même.