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La séduction dangereuse de l’État raciste «antiraciste»

Cet essai fait partie de la nouvelle publication du 20e anniversaire de la CSILC, Défendre les libertés civiles à l’ère de la sécurité nationale et de la guerre au terrorisme. Assistez au lancement en ligne le 11 septembre 2024 à 19 h HE (en anglais). Cliquez ici pour pour vous inscrire.

Si vous êtes à Montréal, venez au lancement francophone en personne le jeudi 19 septembre à 19h. Cliquez ici pour avoir toutes les informations.

Par Azeezah Kanji

À mesure que « l’extrémisme » suprémaciste blanc devient un sujet de préoccupation croissante en matière de sécurité nationale, les contradictions liées à l’utilisation d’un appareil gouvernemental raciste pour lutter contre le racisme ne cessent de s’intensifier. Comme l’ont démontré[1] les universitaires féministes, presque tout – et son contraire – est susceptible d’être utilisé contre nous. Cela englobe « l’antiracisme » pratiqué par l’État colonialiste qui perpétue le suprémacisme blanc en son sein, que ce soit par la condamnation de la violence d’un attentat haineux « extrémiste » ou par la violence tolérée des assassinats perpétrés par des policier⋅ères et des militaires, la complaisance envers la torture et l’effacement génocidaire de la souveraineté autochtone.

Aujourd’hui, des projets de loi concernant les contenus préjudiciables en ligne[2] et des restrictions imposées aux manifestations[3] ont été promulgués au nom de la lutte contre le suprémacisme blanc. Pourtant, comme le démontre[4] l’histoire canadienne passée et récente en matière de régulation de la liberté d’expression, ces pouvoirs sont susceptibles d’être utilisés avant tout contre l’activisme autochtone, palestinien, noir et musulman. De même, les politicien⋅nes canadien⋅nes, toutes tendances confondues, ont[5] adopté[6] le recours à la lutte contre le terrorisme pour combattre « l’extrémisme de droite », renforçant ainsi les dispositifs juridiques utilisés principalement[7] contre les musulman⋅es sous prétexte de les protéger. Ainsi, en février 2021, lorsque les Proud Boys ont été inscrits sur la liste des « entités terroristes », neuf groupes[8] islamistes ont été discrètement ajoutés, contribuant ainsi à exacerber le sentiment anti-musulman sous le couvert de lutter contre le racisme.

L’un des groupes « terroristes » nouvellement ajoutés est au Cachemire et opère dans le contexte d’une occupation militaire massive et abusive de l’État indien[9]. En effet, l’Inde se targue[10] de maintenir le ratio le plus élevé au monde du nombre de soldats par rapport au nombre de citoyen⋅nes. Sur cette liste figure également l’organisation caritative IRFAN, pénalisée[11] pour avoir fait des dons médicaux à Gaza alors que, sous l’occupation israélienne, la terreur de « l’apartheid médical[12] » et la destruction[13] d’installations médicales vitales infligées aux Palestinien⋅nes se poursuivent de manière incontrôlée. Comme le souligne une déclaration commune[14] d’expert⋅es en matière de lutte contre le racisme, d’enjeux juridiques et de droits de la personne, rédigée conjointement avec la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC) : « l’inscription d’organisations telles que les Proud Boys aux côtés de groupes palestiniens et cachemiriens établit un amalgame entre des groupes de résistance issus d’une occupation militaire de longue durée, et des suprémacistes blancs et des néonazis, le tout sous la rubrique d’un concept large et incohérent de ‘terrorisme’. » Ces exemples mettent en évidence le caractère incomplet, mais surtout l’important biais idéologique de la notion de « terrorisme » cantonnée à la violence de ceulles qui se trouvent en marge du pouvoir de l’État, alors qu’elle autorise une violence bien plus importante de l’État lui-même.

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Lancement à Montréal: Défendre les libertés civiles à l’ère de la sécurité nationale et de la guerre au terrorisme

Lancement francophone montréalais de la publication 20e anniversaire de la CSILC – Défendre les libertés civiles à l’ère de la sécurité nationale et de la guerre au terrorisme – présentant son travail depuis 2002 et les défis qui s’annoncent.

Vous pouvez lire la publication en ligne ou en commander une copie papier ici.

Panélistes

  • Dominique Peschard, co-président de CSILC depuis 2012, militant à la LDL et président de la LDL de 2007 à 2015, a parlé du travail de la CSILC concernant la Loi antiterroriste de 2001, l’affaire Maher Arar, la liste d’interdiction de vol, les détenu.es canadien.nes en Syrie, la surveillance des populations, et la répression de la dissidence autochtone et écologiste.
  • Tim McSorley, coordonnateur de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC) depuis 2016, a parlé de l’utilisation et le renforcement de pouvoirs et d’outils antiterroristes problématiques pour soi-disant combattre le racisme et l’ingérence étrangère (avec la nouvelle loi C-70), qui se retourneront très certainement contre les populations marginalisées.
  • May Chiu, avocate et coordonnatrice de la Table ronde du quartier chinois de Montréal depuis 2022, a parlé des allégations sans preuves et dommageables d’ingérence étrangère de la GRC contre le Service à la Famille Chinoise du Grand Montréal.

À l’animation
Martine Éloy | Militante à la CSILC depuis sa fondation, militante à la LDL et membre du conseil d’administration de la LDL de 2002 à 2022

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Les débuts de la CSILC et les commissions d’enquête

Conférence Arar+10, uOttawa. CSILC/Sebastian Packer

Cet essai fait partie de la nouvelle publication du 20e anniversaire de la CSILC, Défendre les libertés civiles à l’ère de la sécurité nationale et de la guerre au terrorisme. Assistez au lancement en ligne le 11 septembre 2024 à 19 h HE (en anglais). Cliquez ici pour pour vous inscrire.

Si vous êtes à Montréal, venez au lancement francophone en personne le jeudi 19 septembre à 19h. Cliquez ici pour avoir toutes les informations.

Par Roch Tassé

Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis, et le Canada sous la pression de son voisin, se sont empressés d’adopter une série de lois antiterroristes et d’autres mesures de lutte contre le terrorisme, notamment dans les domaines du contrôle des frontières, du transport aérien et de listes d’entités terroristes. Ces mesures ont mené à un déploiement sans précédent de technologies de surveillance et de collecte de données sur les individus ainsi qu’à des pratiques de tri social et de profilage, qui ont décimé les régimes de protection de la vie privée jusqu’alors considérés comme un droit fondamental dans les soi-disant démocraties.

La Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC) est née des inquiétudes soulevées par l’impact de ces lois et mesures sur les libertés civiles, les droits de la personne, la protection des réfugié⋅es, le droit humanitaire international, la justice raciale, la dissidence politique et le système judiciaire.

La coalition a été créée en mai 2002, six mois après l’adoption de la Loi antiterroriste du Canada en 2001, pour servir de forum d’échange d’informations, d’action collective et d’élaboration de positions politiques communes dans le but de protéger l’État de droit, les libertés civiles et les droits de la personne contre les assauts menés au nom de la sécurité nationale. Elle rassemble des ONG humanitaires et de développement international, des syndicats, des associations professionnelles, des groupes confessionnels, des organisations environnementales, des défenseurs des droits de la personne et des libertés civiles ainsi que des groupes représentant les communautés d’immigrant⋅es et de réfugié⋅es au Canada.

Les principaux objectifs de notre travail étaient alors d’analyser la législation, de surveiller son application et de documenter l’impact de la soi-disant « guerre contre le terrorisme » en vue d’intervenir lors de l’examen parlementaire de la Loi antiterroriste, qui devait avoir lieu cinq ans après son adoption.

Pour ce faire, nous avons établi de manière proactive des collaborations et des alliances avec nos homologues internationaux. Au niveau national, nous nous sommes rapproché⋅es d’autres groupes de défense des libertés civiles, d’organisations communautaires et de partenaires des communautés juridiques et académiques. Entretenir ces relations et construire des réseaux, c’est ce qui a caractérisé le travail de la CSILC lors des nombreuses campagnes menées au cours des 20 années qui ont suivi. Tout au long de notre parcours, nous avons collaboré avec des militant⋅es, chercheur⋅es, juristes et avocat⋅es spécialisé⋅es dans les droits de la personne parmi les plus compétent⋅es et les plus engagé⋅es du Canada.

Très tôt, nous avons aussi engagé le dialogue avec les décideur⋅ses politiques et les médias, et nous nous sommes rapidement imposé⋅es comme une voix crédible sur la Colline. La CSILC a comparu devant de nombreux comités parlementaires au fil des ans et maintient une présence soutenue dans les grands médias du pays.

Mais notre travail de recherche et d’analyse des politiques ne nous a pas caché le visage humain de l’antiterrorisme, qui a orienté notre programme pendant deux décennies.

À l’automne 2002, nous avons fait la connaissance de Monia Mazigh lors d’une réunion à Amnistie internationale Canada. La CIA avait fait disparaître son mari et l’avait envoyé en Syrie où il était torturé dans le cadre du programme états-unien de restitution. Le cas de Maher Arar a révélé et confirmé l’existence de ce programme infâme. Au cours de l’année suivante, la CSILC et ses membres ont soutenu Monia dans une campagne acharnée pour le rapatriement de son mari, contre les efforts du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) pour bloquer son retour au Canada.

Puis, en décembre 2002, un certificat de sécurité a été délivré à l’encontre de Mohamed Harkat. Son cas et ceux de quatre autres hommes ont marqué le début d’une série d’interventions de la CSILC sur la question des « procès secrets » et des déportations comportant des risques de torture. Ces cas et d’autres seront abordés dans les textes suivants.

2004 : Commission O’Connor

Après le retour de Maher Arar au Canada, à l’automne 2003, la CSILC a exercé des pressions et mobilisé du soutien pour la tenue d’une enquête publique sur les événements ayant conduit à la restitution de Maher Arar. En janvier 2004, le gouvernement libéral a créé une commission d’enquête chargée d’examiner les actions des responsables canadiens relativement à l’affaire Arar. Présidée par le juge Denis O’Connor, la Commission a également été chargée de formuler des recommandations concernant le contrôle et l’examen des activités de la GRC en matière de sécurité nationale.

La CSILC a obtenu le statut d’intervenante auprès de la Commission et, au cours des deux années suivantes, nous avons suivi l’ensemble du processus et assisté à presque toutes les audiences. Durant les procédures, la CSILC a été invitée par le juge O’Connor à participer à une table ronde sur le contrôle et l’examen des opérations de sécurité nationale. Dans leur présentation finale à la Commission, nos avocats, feu Warren Allmand et Me Denis Barrette, ont proposé un mécanisme détaillé de plainte et d’examen.

Dans son rapport final de septembre 2006, la Commission a exonéré Maher Arar et conclu que les autorités canadiennes avaient fourni aux États-Unis des renseignements erronés à son sujet. Le juge O’Connor a également recommandé la création d’un mécanisme intégré de contrôle et de plainte pour tous les organismes canadiens de renseignement et de sécurité. Le modèle recommandé diffère de celui proposé par la CSILC, mais en reprend de nombreux éléments.

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