Par Justin Mohammed
Depuis quatre ans, des dizaines de citoyen⋅nes canadien⋅nes – dont la moitié sont des enfants – sont détenu⋅es arbitrairement dans le nord-est de la Syrie. La plupart d’entre eulles vivent dans des camps sordides, dans des conditions que la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste a qualifiées de torture et de peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants. Jusqu’à très récemment, le public, les médias et les dirigeant⋅es politiques canadien⋅nes n’avaient pas pleinement pris la mesure de leur souffrance. Contrairement à d’autres, comme Michael Kovrig et Michael Spavor, dont les noms nous sont devenus familiers grâce aux efforts louables du gouvernement canadien pour les rapatrier de la Chine, les Canadien⋅nes détenu⋅es dans le nord-est de la Syrie se sont vu⋅es opposer une multitude de justifications pour expliquer pourquoi le Canada ne les rapatrie pas.
Dès qu’elle a eu connaissance de cette situation, la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC) a défendu sans relâche les droits fondamentaux de ces citoyen⋅nes. En 2019, une coalition formée d’universitaires, d’organisations de la société civile et de juristes s’est réunie pour discuter de la manière de remédier à cette situation. La CSILC a joué un rôle de premier plan dans ces échanges. En janvier 2020, après un an de plaidoyer auprès du gouvernement, de collecte d’informations auprès des proches des détenu⋅es et d’élaboration de stratégies visant à faire pression sur le gouvernement pour qu’il agisse, la coalition a porté cette question sur la place publique. Elle a écrit au premier ministre Justin Trudeau, le sommant de prendre les mesures nécessaires pour rapatrier ces ressortissant⋅es. En juin 2020, Human Rights Watch a publié un rapport historique sur les détenu⋅es canadien⋅nes qui a servi de tremplin à la CSILC et à diverses organisations pour poursuivre leur travail de plaidoyer sur cet enjeu. Au cours du premier semestre 2021, le Comité des affaires étrangères de la Chambre des communes et son Sous-comité des droits internationaux de la personne ont tenu des audiences sur le sujet, durant lesquelles, notamment, Amnistie internationale Canada anglophone, Save the Children, Human Rights Watch ont témoigné de l’urgence d’agir.
La première avancée est survenue en octobre 2020, lorsqu’une orpheline de 5 ans a finalement été rapatriée au Canada. Depuis lors, la CSILC a joué un rôle de premier plan dans le maintien de la pression sur le gouvernement du Canada. Elle s’est levée contre la politique consulaire secrète conçue par Affaires mondiales Canada, politique qui établit un cadre entièrement distinct pour les Canadien⋅nes détenu⋅es dans le nord-est de la Syrie. En juin 2022, elle a organisé un webinaire soulignant les parallèles entre la situation des détenu⋅es canadien⋅nes et la détention illégale pratiquée par les États-Unis à Guantánamo. Depuis lors, un certain nombre de détenu⋅es canadien⋅nes ont pu rentrer au pays, mais plusieurs sont toujours piégé⋅es dans le nord-est de la Syrie.
Le gouvernement canadien n’ayant guère agi, en décembre 2022, les avocat⋅es Lawrence Greenspon et Barbara Jackman ont porté le cas des détenu⋅es canadien⋅nes devant la Cour fédérale du Canada, dans le but de contraindre le gouvernement à agir. Malheureusement, le gouvernement du Canada continue de nier toute responsabilité juridique à l’égard de ces Canadien⋅nes, alors qu’il a les moyens de mettre fin aux violations des droits de la personne dont iels sont victimes quotidiennement. Cette intransigeance indique qu’il n’a toujours pas assimilé les leçons tirées des commissions et rapports antérieurs – tels que Arar et Iacobucci – et le rapport du vérificateur général de 2018 sur les services consulaires. Le traitement scandaleux réservé aux Canadien⋅nes détenu⋅es en Syrie est malheureusement destiné à constituer le prochain chapitre de cette histoire honteuse.
Justin Mohammed est l’ancien gestionnaire de programme (Campagnes et plaidoyer) à Amnistie internationale Canada anglophone, et l’ancien représentant d’Amnistie au sein du comité directeur de la CSILC.
Canada : ramenez-les à la maison!
Par Xan Dagenais Le 20 janvier 2023, le juge de la Cour fédérale Henry Brown a statué que le Canada devait rapatrier les Canadien⋅nes détenu⋅es illégalement et arbitrairement dans le nord-est de la Syrie dans des conditions que les responsables des Nations Unies ont jugées proches de la torture. Brown a écrit que le gouvernement avait violé l’article 6 de la Charte canadienne des droits et libertés – garantissant aux citoyen⋅nes le droit de demeurer au Canada, d’y entrer ou d’en sortir – et devait agir « dès que raisonnablement possible » pour rapatrier les Canadien⋅nes. Depuis, le gouvernement a rapatrié plusieurs femmes et enfants canadien⋅nes, mais pas toustes les Canadien⋅nes. Le gouvernement canadien a fait appel et, à notre grande déception, la Cour d’appel fédérale a annulé la décision du tribunal inférieur. Les familles des Canadien⋅nes abandonné⋅es en Syrie ont récemment demandé à la Cour suprême de reconsidérer sa décision choquante de ne pas entendre leur appel et de ne pas jouer son rôle de garante des droits et de la justice, puisque le gouvernement ne le fait pas de son propre chef. Le gouvernement n’a toujours aucune justification pour refuser de rapatrier toustes les Canadien⋅nes détenu⋅es. Il n’affirme aucunement qu’iels aient participé à ou soutenu des activités terroristes, et le juge Brown n’a vu aucune preuve qu’un⋅e détenu⋅e ait commis des infractions contraires à la loi canadienne. Il demeure essentiel d’envoyer un message fort au gouvernement pour qu’il agisse rapidement. Chaque jour où le gouvernement ne rapatrie pas ces Canadien⋅nes, il met leur vie en danger en raison de la maladie, de la malnutrition, de la violence et des conflits armés en cours, notamment des bombardements de l’armée turque. Passez à l’action et partagez largement (en anglais) : iclmg.ca/repatriate-all-canadians Xan Dagenais est responsable des communications et de la recherche à la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles |
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