Des enfants sur la liste canadienne des personnes interdites de vol

Les membres de la campagne No Fly List Kids se rassemblent à Ottawa pour faire pression sur les député⋅es afin qu’iels trouvent une solution. Crédit : Karen Ahmed

Par Khadija Cajee

No Fly List Kids (Enfants interdits de vol) est un groupe de Canadien⋅nes dont le nom des enfants ou des petits-enfants ont été inscrits par erreur sur la liste des personnes interdites de vol, officiellement le Programme de protection des passagers (PPP) en vertu de la Loi canadienne sur la sûreté des déplacements aériens (LSDA). Le seul objectif de ce groupe est de veiller à ce que les droits garantis par la Charte dont jouissent toustes les Canadien⋅nes, y compris ceulles qui sont visé⋅es à tort par le PPP, soient protégé⋅es.

En 2016, nous avons découvert que dans le cadre de la LSDA, notre fils de six ans était considéré comme un passager à haut risque. Nous avons twitté à ce sujet, et cette publication nous a propulsés sous les feux de l’actualité nationale. Dans les jours qui ont suivi, d’autres familles se sont manifestées pour raconter leur histoire. Certaines d’entre elles avaient des enfants de moins d’un an inscrits sur cette liste. Notre groupe s’est constitué dans le but d’attirer l’attention sur ce problème et de trouver une solution.

Nous avons rapidement découvert que la liste des personnes interdites de vol existait depuis une dizaine d’années, qu’elle avait été établie aléatoirement et que le contrôle des passager⋅es incombait aux compagnies aériennes plutôt qu’au gouvernement. La pression nécessaire pour amener le gouvernement à modifier le système a requis l’aide de nombreuses organisations de défense des droits humains, d’avocat⋅es et d’autres personnes qui ont milité sans relâche à ce sujet pendant près d’une décennie, sans grand succès. La Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC) est l’une de ces organisations.

À l’époque, il était interdit au personnel des compagnies aériennes de révéler aux passager⋅es qu’iels figuraient sur cette liste. Iels devaient appeler Sécurité publique Canada pour obtenir l’autorisation d’embarquer les passager⋅es concerné⋅es, y compris les enfants. En grandissant, il est arrivé que ces enfants aient été soumis à des contrôles de sécurité invasifs, à la confiscation de leur passeport et à des interrogatoires menés par les services d’immigration, ce qui est intimidant et effrayant. Ce problème n’a pas touché que les enfants. Le gouvernement a refusé de dire combien de personnes figuraient sur cette liste. Toutefois, les recherches ont démontré que des milliers de personnes innocentes étaient concernées; parmi celles-ci figurent d’ancien⋅nes combattant⋅es, des ministres, des sénateurices, des personnes âgées, des étudiant⋅es, des pilotes de ligne et, pour l’essentiel, des gens ordinaires qui n’aspirent qu’à vivre leur vie.

Nous nous sommes appuyé⋅es sur Monia et Tim ainsi que sur l’équipe de la CSILC pour nous guider, nous conseiller et nous soutenir. Les recherches et l’expertise qu’iels avaient déjà réalisées sur cette question ont été d’une valeur inestimable lors de nos différents échanges avec les représentant⋅es du gouvernement. Qu’il s’agisse de petites choses, comme l’impression de fiches d’information pour notre journée sur la Colline, ou de choses plus importantes, comme l’accompagnement à des réunions de haut niveau avec divers ministres et sénateurices, notamment au Comité sénatoriale des droits de la personne, l’équipe de la CSILC a été là avec nous et pour nous de manière incroyable.

L’an dernier, un nouveau dispositif de recours pleinement fonctionnel, le Numéro canadien de voyages, a été instauré. Ce dispositif place les interdictions de vol entièrement sous le contrôle du gouvernement. Il permet de distinguer plusieurs personnes portant le même nom et, surtout, il autorise les fonctionnaires de la sécurité publique à informer les parents ou les tuteurices que le nom de leur enfant n’apparaît pas sur la liste des interdictions de vol. Iels ne sont toutefois pas tenu⋅es de le faire, et les adultes ne peuvent toujours pas savoir s’ils figurent ou non sur la liste. Une personne apprend qu’elle figure sur la liste que si la Sécurité publique donne l’ordre de lui refuser l’embarquement. Après quoi, cette personne reçoit une lettre l’informant de la situation et lui indiquant comment contester cette inscription.

Bien que la meilleure solution soit l’abolition totale de cette liste – une opinion que nous partageons avec la CSILC – nous n’aurions pas obtenu les réformes significatives susmentionnées sans le soutien de ce groupe de personnes extraordinaires.

Aujourd’hui encore, nous continuons à échanger avec le gouvernement, mais de manière moins soutenue. Cependant, la défense des libertés civiles de toustes reste une mission à temps plein pour l’équipe de la CSILC qui poursuit cette quête sans relâche. Nous n’avons que de l’admiration et de la gratitude pour leur travail.


Khadija Cajee est la cofondatrice de No Fly List Kids (enfants interdits de vol) et de Conquer COVID-19. linkedin.com/in/kcajee

Lutter pour l’abolition de la liste des personnes interdites de vol

Tim McSorley

La CSILC s’oppose à la liste canadienne des personnes interdites de vol depuis sa création en 2007. Au fil du temps, nous avons documenté les problèmes majeurs de ce système, notamment l’absence d’une procédure d’appel équitable, l’échange d’informations non réglementé avec des entités étrangères pouvant conduire à des abus, la violation des droits fondamentaux et le profilage racial, religieux et politique.

Nous l’avons fait grâce à des projets de recherche tel que celui sur les contrôles frontaliers et les atteintes à la liberté et aux droits des voyageur⋅ses qui a documenté l’expérience des personnes qui, au Canada, sont aux prises avec la liste des personnes interdites de vol et d’autres contrôles frontaliers[1]. Nous avons soulevé la question lors de rencontres avec des député⋅es, des ministres et leur personnel, et nous l’avons mise en exergue dans de nombreux exposés législatifs présentés au Parlement[2]. Notre fiche d’information sur la liste des personnes interdites de vol est l’une des pages les plus consultées de notre site Web[3]. Nous avons également travaillé de concert avec les personnes concernées, notamment les parents d’enfants inscrits sur la liste des personnes interdites de vol, afin de plaider en faveur de changements significatifs allant de pair avec l’abolition de la liste.

Bien qu’elle existe depuis près de 20 ans, le gouvernement n’a jamais procédé à un quelconque examen de l’efficacité ou de l’impact de la liste des personnes interdites de vol. Tout comme le fait d’enlever ses chaussures et de vider sa bouteille d’eau, cette pratique est devenue une norme acceptée dans les aéroports, malgré l’absence de preuve d’un impact positif et l’existence d’une multitude de preuves de résultats négatifs. Il en résulte un dispositif antiterroriste qui devrait tout simplement être aboli, une fois pour toutes.

Pour en savoir plus sur la liste des personnes interdites de vol : iclmg.ca/issues/canadas-no-fly-list  (en anglais).


Tim McSorley est le coordonnateur national de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles

Notes de bas de page

[1] Rapport de recherche sur les contrôles frontaliers et les atteintes à la liberté et aux droits des voyageurs, CSILC en collaboration avec BCCLA, CAUT, CLC, CUPE et LDL. Février 2010 (en anglais).

[2] CSILC, « Mémoire de la CSILC au Comité permanent de la Sécurité publique et nationale concernant le projet de loi C-51 », 2015 (en anglais); CSILC, « Mémoire sur le projet de loi C-59, la Loi sur la sécurité nationale, 2017 », janvier 2018 (en anglais) https://iclmg.ca/wp-content/uploads/2018/01/ICLMG-Brief-on-Bill-C-59.pdf

[3] CSILC, « Liste des personnes interdites de vol au Canada » (en anglais).

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