20 ans de défense des libertés civiles

Contrôles et atteintes aux droits et libertés à la frontière

Illustration créée pour Human Rights Watch en 2021. Crédit : Brian Stauffer

Par Patricia Poirier

Le 18 juin 2008, la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC) lançait le projet d’échange d’informations sur les contrôles frontaliers et les atteintes à la liberté et aux droits des voyageur⋅ses. Cette date marquait le premier anniversaire de l’entrée en vigueur de la liste canadienne des personnes interdites de vol ou du Programme de protection des passagers. Le projet a analysé les pratiques de contrôle frontalier utilisées pour filtrer les voyageur⋅ses dans les aéroports canadiens et aux postes-frontières entre le Canada et les États-Unis. Il s’agissait également d’étudier l’impact de ces pratiques sur la vie privée, les libertés civiles et les droits humains des personnes vivant au Canada, qu’il s’agisse de citoyen⋅nes, d’immigrant⋅es reçu⋅es ou de demandeur⋅ses d’asile.

Nous avons été témoins d’un nombre croissant d’incidents frontaliers, ainsi qu’un changement dans leur nature, parallèlement à l’instauration de la liste des personnes interdites de vol et la connexion en temps réel des bases de données et des listes de surveillance des forces de l’ordre du Canada et des États-Unis. Le profilage racial et religieux et le ciblage des musulman⋅es et des membres des communautés arabes, bien documentés, s’étendent maintenant à d’autres groupes, notamment aux universitaires et aux activistes pour les syndicats, pour la paix, et pour la justice.

La liste de personnes interdites de vol constitue la mesure la plus visible résultant directement des efforts croissants d’intégration des systèmes de sécurité du Canada et des États-Unis dans le cadre de la Déclaration sur la frontière intelligente de 2001, suivie du Partenariat pour la sécurité et la prospérité en 2005. Ces efforts ont inclus le programme NEXUS, le Centre national d’évaluation des risques, l’Initiative d’identification des voyageurs à risque élevé et les Équipes intégrées de la police des frontières.

En décembre 2011, le Canada et les États-Unis ont dévoilé l’entente « Par-delà la frontière » et ont discrètement commencé à implanter certaines mesures en vue d’établir un périmètre de sécurité nord-américain. Il s’agissait notamment d’étendre les programmes des voyageur⋅ses fiables et de renforcer la coopération intégrée en matière d’application de la loi et d’échange d’informations, ce qui a soulevé de multiples inquiétudes en matière de protection de la vie privée.

De concert avec plusieurs de nos membres et partenaires – la British Columbia Civil Liberties Association, l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université, le Congrès du travail du Canada, le Syndicat canadien de la fonction publique et la Ligue des droits et libertés – nous souhaitions obtenir des informations de première main. Ceci dans le but d’étayer notre travail de sensibilisation et d’attirer l’attention du grand public sur les questions relatives aux listes de surveillance. Le projet a combiné recherche, analyse politique et les récits de voyageur⋅ses ayant été interdit⋅es de vol, intercepté⋅es ou détenu⋅es. Sur une période de deux ans, nous avons déposé des demandes d’accès à l’information et avons rencontré des responsables du gouvernement, le Commissaire à la protection de la vie privée du fédéral et plusieurs commissaires des provinces, ainsi que leurs équipes.

Nous avons recensé et analysé d’innombrables rapports provenant des deux côtés de la frontière concernant le nombre vertigineux d’ententes, de mesures, de programmes ou de bases de données de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), de Transports Canada et du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS). Afin de déterminer l’impact de ces différents programmes et réglementations sur les voyageur⋅ses, nous avons mis en place un site Web et un numéro de téléphone gratuit où les gens pouvaient rapporter leurs démêlés avec les compagnies aériennes, les responsables des transport et les autorités frontalières. Les informations recueillies sont restées confidentielles sauf si les participant⋅es acceptaient d’être identifié⋅es. Plus de 70 histoires ont ainsi été recueillies.

En février 2010, à la veille de l’ouverture des Jeux olympiques d’hiver de Vancouver, nous avons publié le rapport final[1] de 55 pages. Ce document tombait à point nommé, car plusieurs signalements faisaient état de visiteur⋅ses interrogé⋅es et détenu⋅es à leur arrivée à l’aéroport local ou à la frontière entre le Canada et les États-Unis. Les militant⋅es pour la liberté d’expression ont été particulièrement visé⋅es, notamment la célèbre journaliste et présentatrice américaine Amy Goodman. Notre rapport énumère le nombre croissant de bases de données et de listes utilisées pour surveiller les voyageur⋅ses nord-américain⋅es. On y décrit comment les informations sont collectées, triées, recoupées, stockées et partagées entre les agences gouvernementales des deux côtés de la frontière, et avec d’autres gouvernements.

Depuis le 11 septembre 2001, l’identification, l’évaluation et l’atténuation des risques sont au cœur des pratiques de gestion des frontières. L’ASFC a déjà reconnu que son objectif était de créer une « frontière virtuelle » qui soit la plus proche possible de la source de risque, sans égard à la frontière physique traditionnelle.

Voici les principales constatations qui ressortent de notre rapport :

  • Le profilage racial et religieux existe bel et bien à la frontière canado-étasunienne;
  • Il existe un réel risque d’abus et de violation des droits des voyageur⋅ses en raison des pouvoirs discrétionnaires et arbitraires accordés aux agent⋅es de l’ASFC;
  • La plupart des gens ne sauront jamais pourquoi ils sont ciblés;
  • Il n’existe aucun mécanisme de recours fiable pour les passager⋅es qui, à plusieurs reprises, sont interrogé⋅es, détenu⋅es et soumi⋅ses à un contrôle supplémentaire à l’aéroport, ou pour les individus arrêtés ou refoulés « aléatoirement » à la frontière;
  • Un grand nombre d’entre eulles, en particulier des musulman⋅es, ont déclaré qu’iels ne voyageaient plus à l’extérieur du Canada par crainte d’être ciblé⋅es, le calvaire de Maher Arar étant encore bien présent à leur esprit;
  • L’absence de mécanisme de recours digne de ce nom a exacerbé les risques d’abus et de violation des droits garantis par la Charte, notamment les droits à la vie privée, à la mobilité et à l’égalité.

La CSILC a alors recommandé certaines mesures au gouvernement et aux parlementaires qui avaient pratiquement ignoré la question de la liste des personnes interdites de vol depuis sa création, notamment les suivantes :

  • Le gouvernement doit reconnaître que le profilage racial et religieux est un facteur déterminant dans la manière dont les individus sont traités, interdits de vol et fichés sur diverses listes de surveillance. Il doit revoir ces pratiques inconstitutionnelles qui violent la Charte canadienne des droits et libertés;
  • La liste d’interdiction de vol (qui a plus tard été élargie par l’imposition du programme étasunien Secure Flight aux compagnies aériennes canadiennes) doit être réexaminée par le Parlement en fonction de la Charte en raison du non-respect de la procédure régulière et de l’absence de contrôle judiciaire;
  • Compte tenu des pouvoirs discrétionnaires et arbitraires de l’ASFC et de l’absence de tout mécanisme d’imputabilité, un organisme de contrôle indépendant doit être constitué, comme l’a recommandé en 2006 le juge O’Connor, lors de son enquête sur le cas de Maher Arar;
  • Le Parlement doit se pencher sur les préoccupations relatives à la protection de la vie privée et au déploiement de la biométrie et autres technologies ciblant les voyageur⋅ses.

Enfin, notre rapport prévoyait à juste titre que la situation serait aggravée par l’Accord sur le périmètre de sécurité nord-américain (conclu en décembre 2009) qui établit un dispositif harmonisé de protection des frontières et de sécurité nationale pour l’ensemble du Canada et des États-Unis.

En août 2022, la Cour fédérale a confirmé la constitutionnalité de la liste des personnes interdites de vol, tout en reconnaissant qu’elle portait atteinte aux droits à la mobilité, atteinte qui serait toutefois justifiée. La Cour a déclaré : « Assurer la sécurité du transport aérien et limiter les déplacements aériens à des fins terroristes implique nécessairement une certaine atteinte aux droits de mobilité ». Nous nous élevons contre cette décision.

La CSILC continue de lutter pour l’abolition de la liste canadienne des personnes interdites de vol, la fin de la conformité du gouvernement canadien au programme étasunien Secure Flight et la mise en place d’un organisme indépendant chargé d’examiner les plaintes contre l’ASFC.


Patricia Poirier est une ancienne journaliste qui s’est consacrée aux questions touchant les droits de la personne, la justice et la protection de la vie privée à titre de chercheurse et consultante en communications à Ottawa, Moscou, Jérusalem et Montréal où elle est bénévole.

[1] CSILC et al., Rapport de recherche sur les contrôles frontaliers et les atteintes à la liberté et aux droits des voyageurs, CSILC, février 2010.

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Sans examen efficace, les droits de la personne restent fragiles

Monia Mazigh et Maher Arar.

Par Alex Neve

Sans transparence ni responsabilité, les violations des droits de la personne sont pratiquement inévitables. Et sans examen ni contrôle efficace, la transparence et la responsabilité restent incertaines. Et ce, tout particulièrement dans le domaine de la sécurité nationale, où le secret est omniprésent.

Il était donc crucial que, dans le cadre du mandat de la Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar, établie en 2004, le juge Dennis O’Connor soit chargé de formuler des recommandations pour la mise en place d’un mécanisme permettant l’examen indépendant et autonome des activités de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en matière de sécurité nationale. Dans son rapport, publié en décembre 2006, le juge a succinctement expliqué l’importance d’un tel mécanisme :

La confiance du public est particulièrement importante dans le contexte de la sécurité nationale, où de larges pans de l’activité policière doivent, pour des raisons légitimes, demeurer secrets. Dans une société libre et démocratique, la revendication du secret, même fondée, est susceptible de faire naître des préoccupations et des soupçons fort compréhensibles. En matière de sécurité nationale, le public doit être convaincu que des personnes indépendantes et respectées verront ce que lui-même ne peut voir et poseront les questions difficiles et éclairées que lui-même ne peut poser[1].

La nécessité d’un examen de la sécurité nationale s’est imposée dès le début de la campagne visant à libérer Maher Arar, détenu illégalement en Syrie. Après la libération de M. Arar, cette nécessité a été exacerbée par les inquiétudes croissantes quant au rôle joué par la police canadienne et les agences de sécurité nationale dans les violations des droits de M. Arar perpétrées par les autorités américaines, jordaniennes et syriennes.

Il est apparu très clairement que la famille de M. Arar n’avait aucun moyen de déposer une plainte susceptible d’être traitée de manière efficace et indépendante pendant la détention de M. Arar, au moment où il avait besoin d’assistance. Et il est apparu tout aussi clairement qu’aucun organisme n’était en mesure d’enquêter après coup, de fournir à M. Arar les réponses auxquelles il avait droit, et d’assurer le public que de telles injustices ne se reproduiraient pas.

C’est dans ce contexte que la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC) et d’autres organisations de défense des droits de la personne se sont intéressées à des questions jusque-là hors de leur champ d’intervention. Quels organismes ou processus d’examen ou de surveillance de la sécurité nationale existent au Canada? Sont-ils efficaces et dans quelle mesure? Quels en sont les angles morts? Et surtout, que peut-on faire pour renforcer l’examen et le contrôle de la sécurité nationale dans le pays?

Quelques constats ont émergé rapidement. Tout d’abord, les variations considérables et les nombreuses failles observées dans le mandat et les pouvoirs des organes de contrôle existants. C’était manifestement le cas de ce qui s’appelait alors la Commission des plaintes du public contre la GRC (CPP), qui avait très peu de pouvoir pour forcer la GRC à coopérer et à se conformer à la loi. Deuxièmement, il y avait d’importantes lacunes, notamment l’absence d’un organisme indépendant chargé d’examiner les activités de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), qui joue un rôle crucial dans les opérations de sécurité nationale. Troisièmement, il y avait le statu quo des organes d’examen spécifiques à chaque agence – la CPP pour la GRC[2], le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité pour le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et le commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications pour le CST. Résultat : des examens cloisonnés au moment où les organisations elles-mêmes adoptaient un fonctionnement de plus en plus coordonné, voire intégré.

Le juge O’Connor a recommandé une révision complète de l’examen de la sécurité nationale dans le pays, y compris des pouvoirs accrus pour les organismes d’examen, l’élargissement de l’examen indépendant à toutes les agences impliquées dans les opérations de sécurité nationale, et la création d’un comité intégré pour rassembler tous les organismes d’examen.

La CSILC a largement contribué à la Commission Arar, notamment en ce qui concerne l’étude des options pour l’examen des activités de la GRC en matière de sécurité nationale. La CSILC a soumis des propositions judicieuses et a joué un rôle de premier plan dans la mobilisation d’autres organisations de défense des droits de la personne. Ce travail a, de toute évidence, influé sur les recommandations du juge O’Connor.

Mais il reste du pain sur la planche : c’est ce que la CSILC ne cesse d’observer depuis vingt ans. Les luttes pour la défense des droits de la personne dans l’univers de la sécurité nationale sont des luttes de longue haleine.

Le rapport du juge O’Connor a été publié en décembre 2006, mais il a fallu attendre onze ans pour que le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR) soit institué, en 2017, et treize ans pour que la loi visant à créer l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR) soit adoptée, en 2019.

La CSILC n’a pas faibli au cours de ces années et s’est employée avec diligence à maintenir la question de la réforme des processus de contrôle de la sécurité nationale sous les yeux du public, des médias et des parlementaires.

Il reste cependant une tâche inachevée, puisqu’il n’existe toujours pas d’organe d’examen indépendant chargé de surveiller l’ASFC. Il s’agit d’une lacune flagrante en matière d’examen indépendant des opérations d’application de la loi et de sécurité nationale au Canada. Sur ce point également, la CSILC a continué à faire pression. Le projet de loi C-20[3] est actuellement à l’étude à la Chambre des communes. S’il est adopté, l’actuelle Commission civile d’examen et de plaintes de la GRC sera remplacée par un nouvel organisme, la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public, qui aura pour mandat d’examiner à la fois la GRC et l’ASFC.

Tous ces travaux se poursuivent. Le CPSNR et l’OSSNR sont encore relativement nouveaux. Le projet de loi C-20 n’a pas encore été adopté. Mais la CSILC a indéniablement joué un rôle clé dans le renforcement de l’examen de la sécurité nationale au pays.

Entre-temps, les personnes et les familles qui ont subi des préjudices dans le cadre des opérations de sécurité nationale du Canada sont toujours obligées de se tourner vers les tribunaux et les campagnes publiques de défense des droits pour obtenir les réponses, la reddition de comptes et les réparations auxquelles elles ont droit. C’est actuellement le cas, par exemple, de Hassan Diab, Abousfian Abdelarazik et d’une vingtaine de Canadien⋅nes abandonné⋅es dans des camps de détention dans le nord-est de la Syrie. Le rôle de la CSILC dans le soutien à ces personnes et à leur famille, et dans la coordination des campagnes menées par d’autres groupes et défenseur⋅es des droits de la personne a été et continue d’être crucial.

Bien qu’il reste beaucoup à faire, des progrès notables ont été réalisés au cours des vingt dernières années pour soutenir le principe fondamental voulant que les droits de la personne ne doivent pas être sacrifiés au nom de la sécurité nationale. Un contrôle fort, efficace et indépendant des organismes de sécurité nationale est essentiel pour prolonger les avancées dans la défense des droits de la personne. La CSILC a été l’un des fers de lance des gains obtenus et jouera sans aucun doute un rôle essentiel pour relever les nombreux défis qui subsistent.


Alex Neve est professionnel en résidence à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa et professeur auxiliaire de droit international des droits de la personne aux facultés de droit de l’Université Dalhousie et de l’Université d’Ottawa. Il a été secrétaire général de la branche anglophone d’Amnistie internationale Canada de 2000 à 2020.

Notes de bas de page

[1] Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar, Un nouveau mécanisme d’examen des activités de la GRC en matière de sécurité nationale, décembre 2006, p. 539.

[2] La CPP a été remplacée par la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes en novembre 2014.

[3] LegisInfo, Projet de loi C-20 : Loi établissant la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public et modifiant certaines lois et textes réglementaires.

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Des enfants sur la liste canadienne des personnes interdites de vol

Les membres de la campagne No Fly List Kids se rassemblent à Ottawa pour faire pression sur les député⋅es afin qu’iels trouvent une solution. Crédit : Karen Ahmed

Par Khadija Cajee

No Fly List Kids (Enfants interdits de vol) est un groupe de Canadien⋅nes dont le nom des enfants ou des petits-enfants ont été inscrits par erreur sur la liste des personnes interdites de vol, officiellement le Programme de protection des passagers (PPP) en vertu de la Loi canadienne sur la sûreté des déplacements aériens (LSDA). Le seul objectif de ce groupe est de veiller à ce que les droits garantis par la Charte dont jouissent toustes les Canadien⋅nes, y compris ceulles qui sont visé⋅es à tort par le PPP, soient protégé⋅es.

En 2016, nous avons découvert que dans le cadre de la LSDA, notre fils de six ans était considéré comme un passager à haut risque. Nous avons twitté à ce sujet, et cette publication nous a propulsés sous les feux de l’actualité nationale. Dans les jours qui ont suivi, d’autres familles se sont manifestées pour raconter leur histoire. Certaines d’entre elles avaient des enfants de moins d’un an inscrits sur cette liste. Notre groupe s’est constitué dans le but d’attirer l’attention sur ce problème et de trouver une solution.

Nous avons rapidement découvert que la liste des personnes interdites de vol existait depuis une dizaine d’années, qu’elle avait été établie aléatoirement et que le contrôle des passager⋅es incombait aux compagnies aériennes plutôt qu’au gouvernement. La pression nécessaire pour amener le gouvernement à modifier le système a requis l’aide de nombreuses organisations de défense des droits humains, d’avocat⋅es et d’autres personnes qui ont milité sans relâche à ce sujet pendant près d’une décennie, sans grand succès. La Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC) est l’une de ces organisations.

À l’époque, il était interdit au personnel des compagnies aériennes de révéler aux passager⋅es qu’iels figuraient sur cette liste. Iels devaient appeler Sécurité publique Canada pour obtenir l’autorisation d’embarquer les passager⋅es concerné⋅es, y compris les enfants. En grandissant, il est arrivé que ces enfants aient été soumis à des contrôles de sécurité invasifs, à la confiscation de leur passeport et à des interrogatoires menés par les services d’immigration, ce qui est intimidant et effrayant. Ce problème n’a pas touché que les enfants. Le gouvernement a refusé de dire combien de personnes figuraient sur cette liste. Toutefois, les recherches ont démontré que des milliers de personnes innocentes étaient concernées; parmi celles-ci figurent d’ancien⋅nes combattant⋅es, des ministres, des sénateurices, des personnes âgées, des étudiant⋅es, des pilotes de ligne et, pour l’essentiel, des gens ordinaires qui n’aspirent qu’à vivre leur vie.

Nous nous sommes appuyé⋅es sur Monia et Tim ainsi que sur l’équipe de la CSILC pour nous guider, nous conseiller et nous soutenir. Les recherches et l’expertise qu’iels avaient déjà réalisées sur cette question ont été d’une valeur inestimable lors de nos différents échanges avec les représentant⋅es du gouvernement. Qu’il s’agisse de petites choses, comme l’impression de fiches d’information pour notre journée sur la Colline, ou de choses plus importantes, comme l’accompagnement à des réunions de haut niveau avec divers ministres et sénateurices, notamment au Comité sénatoriale des droits de la personne, l’équipe de la CSILC a été là avec nous et pour nous de manière incroyable.

L’an dernier, un nouveau dispositif de recours pleinement fonctionnel, le Numéro canadien de voyages, a été instauré. Ce dispositif place les interdictions de vol entièrement sous le contrôle du gouvernement. Il permet de distinguer plusieurs personnes portant le même nom et, surtout, il autorise les fonctionnaires de la sécurité publique à informer les parents ou les tuteurices que le nom de leur enfant n’apparaît pas sur la liste des interdictions de vol. Iels ne sont toutefois pas tenu⋅es de le faire, et les adultes ne peuvent toujours pas savoir s’ils figurent ou non sur la liste. Une personne apprend qu’elle figure sur la liste que si la Sécurité publique donne l’ordre de lui refuser l’embarquement. Après quoi, cette personne reçoit une lettre l’informant de la situation et lui indiquant comment contester cette inscription.

Bien que la meilleure solution soit l’abolition totale de cette liste – une opinion que nous partageons avec la CSILC – nous n’aurions pas obtenu les réformes significatives susmentionnées sans le soutien de ce groupe de personnes extraordinaires.

Aujourd’hui encore, nous continuons à échanger avec le gouvernement, mais de manière moins soutenue. Cependant, la défense des libertés civiles de toustes reste une mission à temps plein pour l’équipe de la CSILC qui poursuit cette quête sans relâche. Nous n’avons que de l’admiration et de la gratitude pour leur travail.


Khadija Cajee est la cofondatrice de No Fly List Kids (enfants interdits de vol) et de Conquer COVID-19. linkedin.com/in/kcajee

Lutter pour l’abolition de la liste des personnes interdites de vol

Tim McSorley

La CSILC s’oppose à la liste canadienne des personnes interdites de vol depuis sa création en 2007. Au fil du temps, nous avons documenté les problèmes majeurs de ce système, notamment l’absence d’une procédure d’appel équitable, l’échange d’informations non réglementé avec des entités étrangères pouvant conduire à des abus, la violation des droits fondamentaux et le profilage racial, religieux et politique.

Nous l’avons fait grâce à des projets de recherche tel que celui sur les contrôles frontaliers et les atteintes à la liberté et aux droits des voyageur⋅ses qui a documenté l’expérience des personnes qui, au Canada, sont aux prises avec la liste des personnes interdites de vol et d’autres contrôles frontaliers[1]. Nous avons soulevé la question lors de rencontres avec des député⋅es, des ministres et leur personnel, et nous l’avons mise en exergue dans de nombreux exposés législatifs présentés au Parlement[2]. Notre fiche d’information sur la liste des personnes interdites de vol est l’une des pages les plus consultées de notre site Web[3]. Nous avons également travaillé de concert avec les personnes concernées, notamment les parents d’enfants inscrits sur la liste des personnes interdites de vol, afin de plaider en faveur de changements significatifs allant de pair avec l’abolition de la liste.

Bien qu’elle existe depuis près de 20 ans, le gouvernement n’a jamais procédé à un quelconque examen de l’efficacité ou de l’impact de la liste des personnes interdites de vol. Tout comme le fait d’enlever ses chaussures et de vider sa bouteille d’eau, cette pratique est devenue une norme acceptée dans les aéroports, malgré l’absence de preuve d’un impact positif et l’existence d’une multitude de preuves de résultats négatifs. Il en résulte un dispositif antiterroriste qui devrait tout simplement être aboli, une fois pour toutes.

Pour en savoir plus sur la liste des personnes interdites de vol : iclmg.ca/issues/canadas-no-fly-list  (en anglais).


Tim McSorley est le coordonnateur national de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles

Notes de bas de page

[1] Rapport de recherche sur les contrôles frontaliers et les atteintes à la liberté et aux droits des voyageurs, CSILC en collaboration avec BCCLA, CAUT, CLC, CUPE et LDL. Février 2010 (en anglais).

[2] CSILC, « Mémoire de la CSILC au Comité permanent de la Sécurité publique et nationale concernant le projet de loi C-51 », 2015 (en anglais); CSILC, « Mémoire sur le projet de loi C-59, la Loi sur la sécurité nationale, 2017 », janvier 2018 (en anglais) https://iclmg.ca/wp-content/uploads/2018/01/ICLMG-Brief-on-Bill-C-59.pdf

[3] CSILC, « Liste des personnes interdites de vol au Canada » (en anglais).

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