Ministre Goodale : Rejetez l’information obtenue sous la torture

L’Honorable Ralph Goodale
Ministre de la sécurité publique
269 Avenue Laurier ouest
Ottawa, Ontario K1A 0P8

Le 30 janvier 2017

Monsieur le Ministre,

Nous croyons qu’il est urgent de revoir les Directives ministérielles émises par le gouvernement précédent concernant la torture, et ceci afin de les rendre conformes au droit international qui interdit la torture de manière absolue.

Ce faisant, le gouvernement du Canada enverrait dès maintenant un message clair à la communauté internationale, à savoir qu’en aucune circonstance, le Canada n’utilisera des renseignements provenant de pays étrangers qui auraient pu être obtenus sous la torture ou ne partagera des renseignements susceptibles de mener à la torture.

Comme vous le savez, en 2011, le gouvernement a émis des Directives ministérielles qui permettent aux agences de sécurité canadiennes, dans des circonstances exceptionnelles, de recevoir et d’utiliser des renseignements obtenus sous la torture par un pays étranger. Ces mêmes directives énonçaient dans quelles circonstances les agences canadiennes pouvaient partager des renseignements avec des pays connus pour leurs violations des droits humains, même lorsque ceci mènerait à la torture.

Il y a un an, vous vous êtes engagé à revoir ces directives. Nous espérons vivement que, après mure réflexion, vous allez faire les révisions nécessaires pour respecter l’engagement que le Canada a pris au niveau international de s’opposer à la torture, en toutes circonstances, sans exception. Ceci serait en droite ligne avec les mesures prises récemment par le gouvernement pour ratifier le protocole optionnel de la Convention contre la torture des Nations Unies afin de combattre et d’éliminer la torture.

Il y a dix ans, la Commission d’enquête dans l’affaire Maher Arar a clairement démontré que le partage bilatéral inconsidéré de renseignements peut mener – et mène effectivement – à la torture. Le Commissaire Dennis O’Connor a notamment recommandé que les agences canadiennes ne partagent jamais de renseignements si cela est susceptible de mener à la torture. Les Directives ministérielles vont explicitement à l’encontre de cette recommandation. Le rapport de la Commission Iacobucci qui a examiné les cas d’Abdullah Almalki, d’Ahmad Abou-Elmaati and de Muayyed Nureddin a également fait ressortir le danger de partager des renseignements sans tenir compte des risques de torture.

Au-delà de ces constats et recommandations au niveau national, nous tenons à attirer également votre attention sur le fait que le Comité contre la torture – l’instance des Nations Unies responsable de s’assurer que les États respectent leur obligation de mettre fin à la torture – a également fait part de ses préoccupations. Lors de l’examen du Canada en 2012, le Comité a demandé au Canada de modifier les Directives ministérielles pour les rendre conformes à ses obligations internationales.

Les gestes posés par le Canada sont d’autant plus urgents dans le contexte international actuel. Cette semaine, le New York Times rapportait que l’administration des États-Unis envisage de revoir l’utilisation des prisons secrètes de la CIA. Le même jour, le Président Donald Trump a dit au réseau ABC qu’il est ouvert à un retour à la torture lors d’interrogatoires, déclarant que « la torture, ça fonctionne ». Ces deux révélations soulèvent de graves inquiétudes à l’effet que le partage de renseignements entre nos deux pays ait à nouveau comme toile de fond la torture.

Ainsi, nous vous convions à modifier les Directives ministérielles en accord avec le droit international et à adopter une législation pour interdire clairement le partage de renseignements pouvant avoir été obtenus sous la torture ou pouvant mener à la torture. La population de Canada s’attend à une position claire de la part du gouvernement sur cette question.

Cordialement,

Amnesty International Canada

British Columbia Civil Liberties Association

Association canadienne des libertés civiles

Association canadienne des avocats musulmans

Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles

Ligue des droits et libertés

Conseil national des musulmans canadiens

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