L’ASFC : Plus de pouvoirs mais toujours pas de mécanisme d’examen

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Par Monia Mazigh – Hier, le ministre de la Sécurité publique Ralph Goodale, a déposé une nouvelle loi qui met en oeuvre une entente entre le gouvernement conservateur et son homologue américain datant de 2011 : Par-delà la frontière, une vision commune de la sécurité du périmètre et de la compétitivité économique.

Ce nouveau projet de loi accorderait des pouvoirs à l’Agence des services frontaliers du Canada pour recueillir des données biographiques sur les citoyen.nes canadien.nes chaque fois qu’illes quittent le Canada et les partager avec le gouvernement des États-Unis.

La nouveauté ici est double:

  • La collecte de données se produirait chaque fois que quelqu’un quitte le territoire canadien. La même collecte de données a déjà été mise en place aux points d’entrée. Or, elle s’appliquera désormais à tous les points d’entrée et de sortie.
  • Le partage de l’information de ces données biographiques avec les États-Unis a déjà eu lieu, mais seulement pour les ressortissants étrangers et les résidents permanents. Cette nouvelle loi inclut maintenant les citoyens canadiens.

Comme d’habitude quand toute législation de sécurité est introduite, et pour gagner l’approbation et la confiance du public, l’accent du gouvernement était sur la prévention des fraudes aux prestations d’emploi, le système de protection sociale et le système d’immigration. En outre, la détection de la traite humaine et de l’enlèvement d’enfant a été évoquée comme un exemple de ce que cette nouvelle loi accomplirait.

Mais quant est-il de notre droit à la vie privée? La législation proposée n’est-elle pas un autre outil juridique de surveillance ouvrant la porte à plus d’abus par les agences de sécurité du gouvernement des deux côtés de la frontière?

La réaction du ministre Goodale à ces préoccupations et craintes légitimes est que ce nouveau partage de la collecte des données et de l’information se fera conformément aux lois nationales sur la vie privée des deux pays. Mais pourquoi devrions-nous faire confiance à cette promesse? N’avons-nous pas appris récemment que des cas de collecte et de partage d’informations ont transgressé nos lois? Et le cas de Maher Arar est encore frais dans notre histoire juridique. Quant est-il de l’application de protection dans le partage de l’information? Le ministre n’a pas dit mot à ce sujet.

Pourquoi devrions-nous attendre d’autres abus du système afin de comprendre que ces nouveaux pouvoirs doivent être remis en question et pas toujours accordés?

Lorsque le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, mentionne lors de son annonce que “l’ASFC ne communiquera pas aux États-Unis les données tirées des manifestes de passagers dans le mode aérien” ce n’est pas tout à fait vrai.

En effet, dans les années précédentes, l’ASFC a dirigé le Centre national d’évaluation des risques maintenant appelé Centre national de ciblage, qui reçoit et analyse les informations des passagers des compagnies aériennes pour identifier les personnes qui présentent des menaces à la sécurité.

Ce centre partage des “information préalable sur les voyageurs” (IPV), y compris des avertissements liés au terrorisme et à la criminalité graves avec le Centre national de ciblage des Etats-Unis.

Il est décevant de voir la rapidité avec laquelle le ministre de la Sécurité publique a proposé cette nouvelle législation avec des pouvoirs supplémentaires pour l’ASFC alors que de nombreux groupes de défense des libertés civiles lui ont demandé à maintes reprises au cours des derniers mois d’apporter plus de responsabilisation au travail de l’ASFC, sans succès.

Même avec ce que le gouvernement propose aujourd’hui en termes de contrôle parlementaire, il ne sera pas suffisant pour répondre aux questions particulières relatives à l’ASFC en matière d’arrestation et de détention des réfugié.es et de migrant.es ainsi qu’en matière de pouvoirs de fouille, saisie, collecte de données, partage de l’information et sécurité nationale en général. Au contraire, un mécanisme d’examen indépendant qui serait spécifique au travail de l’ASFC, qui évaluerait ses opérations avant, pendant et après, qui examinerait toute proposition de législation et qui peut indépendamment initier des enquêtes sur des plaintes ou des allégations de mauvais traitements, est vraiment nécessaire et pourtant encore inexistant.

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