Renseignement et Preuve

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  • Est-ce que les procédures actuelles prévues à l’article 38 de la Loi sur la preuve au Canada permettent d’atteindre un équilibre entre l’équité et la sécurité dans les procédures judiciaires?

Les procédures de l’article 38 sont complexes et inaccessibles. Le système actuel, en utilisant la sécurité nationale et les relations internationales comme raison pour garder de l’information, des renseignements et des preuves secrètes et inaccessibles aux défendeurs, est enraciné dans le concept de «secrets d’État» qui est préjudiciable aux défendeurs de plusieurs manières. Il peut être utilisé dans les procès civils lorsqu’ils sont portés contre le gouvernement : lors de la Commission Arar, les secrets d’État ont été utilisés pour bloquer les enquêtes sur les agents du gouvernement. Le secret d’État pourrait facilement être utilisée dans d’autres poursuites visant à obtenir justice et réparation pour des cas de torture. Dans les affaires criminelles, il est entendu que tout système qui nie l’accès direct à la preuve présentée contre un défendeur est une violation du droit à un procès juste et équitable. De plus, une fois que les secrets d’État sont invoqués en vertu de l’art. 38, l’affaire se déplace automatiquement devant la Cour fédérale (même si elle était en Cour supérieure); et ce, malgré le fait que le juge dans une affaire criminelle est le mieux adapté pour juger de la pertinence de la preuve à utiliser contre l’accusé. En raison de la réglementation et du secret, les juges peuvent accepter le renseignement, les ouï-dires et toute autre information qui est normalement inadmissible, et le défendeur n’en saura jamais informé. Cela va jusqu’à inclure les informations obtenues sous la torture. De plus, le ministre en question contrôle les éléments de preuve. Ils n’ont aucune obligation de partager toutes les preuves – y compris les preuves pouvant innocenté le défendeur. Il n’y a aucune obligation de divulguer. Par exemple, dans les cas d’Adil Charkaoui et de Mohamed Harkat, nous savons que le SCRS a détruit des preuves originales et n’a présenté que des résumés des éléments de preuve. Ce système est intrinsèquement injuste et doit être revu.

  • Les procédures actuelles pourraient-elles être améliorées?

Le défendeur devrait avoir accès en tout temps aux preuves utilisées contre eux afin d’assurer une défense adéquate et d’assurer un procès juste et équitable.

  • Dans le cadre de procédures judiciaires touchant de l’information sur la sécurité nationale, y aurait-il dans les procédures à huis clos un rôle pour les avocats titulaires d’une attestation de sécurité afin qu’ils défendent les intérêts des personnes visées? Que devrait-être ce rôle?

L’avocat d’un défendeur devrait avoir accès à la preuve présentée contre son client, être en mesure de l’examiner pleinement et de la contester en cour. Cependant, nous soutiendrons toujours que tout système qui permet des procès secrets empêchant les accusés d’accéder pleinement aux preuves contre eux est un système injuste et inacceptable.

  • Existe-il des mesures non législatives qui pourraient améliorer l’utilisation et la protection de l’information sur la sécurité nationale dans les instances criminelles, civiles et administratives?

Comme indiqué plus haut, l’utilisation excessive de l’information secrète dans notre système judiciaire est une préoccupation. Ces pratiques doivent être revues et réduites. L’ajout de mesures qui n’ont pas fait l’objet de débats approfondis au Parlement, mais qui favoriseraient davantage l’utilisation de renseignements secrets sur la sécurité nationale est donc clairement à éviter.

  • De quelles façons les mécanismes actuels de protection de l’information sur la sécurité nationale peuvent-ils être améliorés afin d’assurer la protection et l’utilisation de cette information dans tous les types de procédures? Dans ce contexte, comment est-ce que le gouvernement peut s’assurer d’avoir un équilibre satisfaisant entre la protection de la sécurité nationale et les principes de justice fondamentale?

Encore une fois, outre le fait d’accorder aux accusés un plein accès aux preuves contre eux afin d’assurer des procès équitables, tout le système qui a développé et a accru l’utilisation de preuves et de renseignements secrets sur la sécurité nationale doit être revu et révisé pour protéger nos droits et les principes de justice fondamentale.

  • Croyez-vous que les modifications apportées à la section 9 de la LIPR par la Loi antiterroriste de 2015 sont suffisamment équilibrées par les mesures de protection, telles que les avocats spéciaux et le rôle des juges?

La section 9 de la LIPR, connue sous le nom du régime des certificats de sécurité, est une disposition très problématique qui devrait être abrogée. L’utilisation d’avocats spéciaux ou le rôle des juges ne peuvent pas réparer un système qui va complètement à l’encontre des principes de justice fondamentale et du droit à un procès équitable.

Plusieurs préoccupations demeurent concernant les personnes détenues en vertu des certificats de sécurité :

  • Elles peuvent être emprisonnées indéfiniment en raison de preuves secrètes, bien qu’aucune accusation n’ait été portée contre elles;
  • Elles ont été jugées dans une procédure judiciaire injuste au cours de laquelle des informations ne sont pas communiquées au détenu ou à son avocat;
  • On leur refuse tout droit d’appel lorsque le certificat est confirmé dans le cadre d’un processus qui utilise le plus bas niveau de preuve exigé dans un tribunal au Canada;
  • Elles sont sous la menace d’une expulsion, même lorsqu’il existe des risques d’incarcération, de torture ou de mort.

Bien que la dernière décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Mohamed Harkat ait confirmé le certificat de sécurité contre lui, les juges ont déclaré leur inconfort face à un régime où la preuve contre la personne soumise à un certificat de sécurité n’est connu ni de cette personne ni de son avocat.e, et donc illes sont incapables d’y répondre. Une telle inquiétude aurait dû conduire à une déclaration du régime comme inconstitutionnel, et nous demanderions, encore une fois, qu’il soit simplement abrogé.