Par Nathalie Drouin – Omar Khadr a 30 ans aujourd’hui. Combien d’années devra-t-il patienter encore avant que notre gouvernement ne lui offre enfin des excuses officielles assorties d’une compensation pour les fautes commises à son endroit et qui l’ont privé de ses droits les plus élémentaires?
Nous avons une dette collective envers ce jeune homme, un citoyen canadien à part entière que l’on a laissé croupir à Guantanamo pendant 10 ans et qui a subi des sévices, abandons et dénis de justice à répétition depuis 15 ans, à l’encontre des conventions de droit internationales dont notre pays est signataire. L’histoire d’Omar est une véritable disgrâce pour le Canada qui se targue d’être le champion des droits de la personne et, surtout, des droits des enfants.
Voici un rappel des faits en 15 points.
- Omar Khadr est né à Toronto, le 19 septembre 1986. À 15 ans, son père le laisse dans un camp en Afghanistan avec la promesse de revenir le chercher. Il ne l’a jamais fait.
- Peu après, le camp est bombardé par l’armée américaine. Omar est le seul survivant.
- Pendant l’attaque, il est atteint par deux tirs qui lui infligent de graves blessures au dos, faisant éclater son épaule demeurée partiellement paralysée. Les éclats d’obus lui font perdre l’usage d’un œil et limitent sa vision dans l’autre.
- Alors qu’il est inconscient, on le transfère dans un hôpital du tristement célèbre centre de détention américain de Bagram, en Afghanistan où il demeure inconscient pendant sept jours.
- Dès son réveil, l’adolescent est battu, torturé par quasi-noyade et menacé par des chiens agressifs. Sa tête est enfouie dans une cagoule, attachée si serrée qu’il a de la difficulté à respirer, ce qui le fait paniquer et s’évanouir.
- Le sergent Joshua Claus, principal interrogateur d’Omar à Bagram, a reconnu l’avoir questionné de 20 à 25 fois en trois mois, au cours de séances qui pouvaient durer six heures et au cours desquelles il était privé de médicaments et de sommeil.
- Le sergent Claus sera plus tard inculpé pour la mort d’un prisonnier et pour en avoir blessé gravement deux autres avec les mêmes méthodes d’interrogation infligées à Omar, mais sa peine de six mois de prison sera suspendue en échange d’un témoignage contre Omar Khadr.
- Omar Khadr a 15 ans lorsqu’il arrive à la prison de Guantanamo. Il y passera 10 ans pendant lesquels les mauvais traitements se poursuivront.
- À Guantanamo, Omar est maintenu en isolement prolongé, torturé et violenté. Alors que tous les autres enfants sont gardés dans des baraquements spéciaux et scolarisés, Omar est le seul mineur à être détenu avec les adultes, sans accès à l’éducation ni à d’autres moyens de réadaptation.
- Le Canada n’a rien fait pour rapatrier Omar Khadr. Malgré trois jugements de la Cour suprême du Canada en sa faveur, il a été le dernier détenu occidental à quitter Guantanamo.
- Selon la Convention contre la torture, la Convention relative aux droits des enfants et la Convention de Vienne sur les relations consulaires, Omar Khadr avait droit à diverses protections qui lui ont toutes été refusées. En tant que signataire, le Canada a l’obligation d’exiger que ces protections soient accordées à tous ses ressortissants ; pourtant rien n’a été fait pour protéger Omar, ce qui est d’autant plus déplorable qu’il s’agissait d’un enfant de 15 ans.
- Le procès militaire d’Omar Khadr s’ouvre en août 2010 alors qu’il a 24 ans. Une entente relative au plaidoyer de culpabilité est négociée : huit années de prison, dont une à purger à Guantanamo et sept autres au Canada où il sera admissible à une libération conditionnelle, conformément aux lois canadiennes. Sans cette entente, Omar était passible d’une peine d’emprisonnement de 40 ans.
- Les jurés n’ont jamais eu accès à la vidéo où on voit Omar en pleurs, couché sur le plancher de sa cellule, demandant à voir sa mère pendant que les agents du service de renseignements et de la CIA l’interrogent. Le jury n’a pas été informé non plus des traitements sadiques qu’il a subis, ni du fait qu’il ait passé la majeure partie de son incarcération à Guantanamo en isolement.
- Le 7 mai 2015, après 13 ans d’incarcération, Omar obtient enfin sa libération conditionnelle. Les Canadiens, stupéfaits, découvrent un jeune homme serein, d’une sagesse exemplaire.
- Finalement, Omar étant toujours en attente de l’appel à la Cour de révision de la commission militaire à Washington pour annuler toutes ses condamnations à Guantánamo, ses déboires juridiques sont loin d’être terminés.
Omar Khadr a 30 ans aujourd’hui.
Sa liberté et sa joie de vivre retrouvées ne devraient pas nous laisser oublier que nous avons choisi de fermer les yeux pendant tant d’années, alors que tous ses droits étaient bafoués.
Aujourd’hui, il serait temps que le gouvernement du Canada et tous les Canadiens reconnaissent et réparent ces erreurs, notamment en aidant Omar à sortir de ce cauchemar juridique qui stagne et perdure.
Nathalie Drouin
Présidente et fondatrice
Pouromarkhadr.com