Par Monia Mazigh – La semaine dernière, quelque chose de tout à fait inhabituel s’est produit. Ralph Goodale, le ministre de la Sécurité publique, aux côtés de son collègue Harjit Sajjan, le ministre de la Défense, a tenu un point de presse sur la Colline du Parlement au sujet du rapport du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS) et du rapport du Bureau du commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications (BCCST).
Mais la chose la plus inhabituelle était de voir un fonctionnaire du BCCST faire le briefing aux journalistes, une action qui n’a jamais été vue auparavant. Il faut se rappeler ici que le CST est un organisme fédéral très secret et que le travail du BCCST, l’agence censée observer le CST et rendre des compte de ses activités au Parlement, a toujours souffert de la censure du CST.
Même si on n’a pas beaucoup appris des ministres sur les deux organismes à l’exception de ce qui est de notoriété publique, cette tentative d’être transparent est une étape positive, mais elle est certainement insuffisante.
La bombe qui a été révélée au cours de cette rencontre médiatique était qu’un “problème de logiciel” (je souligne la façon dont cela a été décrit, comme pour minimiser l’impact ou la portée de l’information) a entraîné le partage de données collectées sur les Canadien.nes avec les autres membres des Five Eyes sans mesures suffisantes pour protéger les identités individuelles. Ces informations peuvent être des adresses électroniques, numéros de téléphone, qui sait?
L’ancien ministre de la Défense, Rob Nicholson, a été informé de cette violation de la vie privée il y a plus de deux ans, mais il l’a caché au Parlement et au public canadien. Est-ce acceptable dans une démocratie? Comment se fait-il que personne n’a encore demandé la démission de Rob Nicholson? N’a-t-il pas induit en erreur la Chambre en gardant cette information secrète? Je suis certaine qu’il répondra, qu’à cette époque, il avait pris la meilleure décision en fonction de l’intérêt national. Mais comment pouvons-nous vraiment le savoir? Pourquoi devrions-nous faire confiance à son jugement? Pourquoi devons-nous appeler cela une «erreur de bonne foi»? Avons-nous des preuves pour déclarer cela?
Aujourd’hui, nous avons une plus grande incitation à avoir un contrôle parlementaire qui empêcherait que ce comportement se produise et se perpétue. Et nous avons une raison supplémentaire de créer aussi un “super CSARS” qui permettrait l’examen des activités de tous les organismes impliqués dans la sécurité nationale, afin que ces importantes décisions sur ce genre de dossiers ne soient pas laisser à la discrétion des ministres.
À l’intérieur du rapport du CSARS, nous avons appris que le SCRS, à plusieurs reprises, a obtenu sans mandat des informations sur les impôts des citoyens canadiens. Le CSARS a découvert et a recommandé au SCRS de corriger la situation et de suivre la procédure appropriée. Mais comment savons-nous que l’Agence des services frontaliers du Canada ne fait pas la même chose? Ou que Transports Canada ou Santé Canada ne sont pas aussi en train d’obtenir des informations sur nous sans suivre les procédures appropriées? Normalement, nous devrions faire confiance à nos institutions, mais puisque des infractions se sont déjà produites, pouvons-nous encore avoir confiance? Pouvons-nous compter seulement sur la candeur et le jugement honnête des dirigeants et ministres?
Avec ces raisons supplémentaires, nous demandons encore une fois, haut et fort, la mise en oeuvre des recommandations du juge O’Connor et la création de mécanismes d’examen complets, intégrés et robustes qui permettront de surveiller le travail des 21 ministères et organismes fédéraux qui sont impliqués dans des activités de sécurité nationale, et ainsi de vraiment protéger les Canadien.nes et nos droits.