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- Est-ce que les seuils d’application mis en place pour obtenir un engagement assorti de conditions et un engagement de ne pas troubler l’ordre public lié au terrorisme sont appropriés?
La Loi antiterroriste de 2015 abaisse les seuils existants pour les arrestations préventives et les obligations de garder la paix, allonge la durée de détention (de 3 à 7 jours) et prévoit des conditions plus sévères une fois libéré, sans aucune accusation criminelle. L’agent de la paix n’aura qu’à croire qu’une activité terroriste «peut» être commise (plutôt que « sera » commise) et «soupçonner» que la détention est «susceptible» d’empêcher cette activité. Il y a aussi la question problématique des audiences d’enquête au titre de l’article 83.28. Cette section permet à un agent de police d’amener une personne devant un juge pour l’obliger à répondre aux questions posées par la police. Cela a introduit des procédures judiciaires inquisitoriales dans le système de justice canadien, un tout nouveau paradigme concernant les relations entre l’État, la police, les tribunaux et les citoyens. Le système canadien de Common Law est un système accusatoire. Les audiences d’enquête constituent une atteinte à l’indépendance des tribunaux et du système de justice. En vertu de ces procédures, le juge devient un instrument de l’État. Ces procédures sont généralement associées à des régimes totalitaires. Les personnes visées par ces mesures seront associées au terrorisme dans l’esprit du public bien qu’elles n’aient pas été condamnées. Cela rappelle le maccarthysme aux États-Unis. De plus, permettre que les individus fasse l’objet de restrictions sévères à leur liberté sans accusation criminelle – encore moins une condamnation – dans des circonstances exceptionnelles était déjà autorisé en vertu des dispositions du Code criminel avant 2001. Les dispositions introduites dans la Loi antiterroriste 2001 et élargies dans la Loi antiterroriste 2015 vont trop loin et doivent être retirées du Code criminel.
- L’acte criminel relatif au fait de préconiser ou de fomenter le perpétration d’infractions de terrorisme en général représente une variante de l’infraction consistant à conseiller la perpétration d’une infraction. Serait-il utile de préciser l’infraction consistant à préconiser pour qu’elle ressemble plus clairement à celle de conseiller la perpétration d’une infraction?
Cette infraction est tellement vague qu’une personne qui discute des questions de terrorisme ou qui répète les propos d’un groupe sur une liste d’entités terroristes pourrait être ciblée, même si elle ne soutient ce groupe d’aucune façon. Cela poussera les individus vers l’autocensure et étouffera le débat public sur les questions de terrorisme. En particulier, les universitaires et les journalistes pourraient choisir de traiter des questions moins controversées ou être contraints de révéler l’identité des sujets de recherche ou des sources qui serait autrement demeurée confidentielle. La liste des infractions de terrorisme existantes dans le Code criminel est déjà vaste et comprend la facilitation, la participation, l’instruction, l’hébergement, le financement et le conseil. Si l’infraction de conseil existe déjà, pourquoi modifier une infraction de promotion problématique pour qu’elle ressemble davantage à l’infraction sur le conseil? Cette section doit être abrogée.
- Croyez-vous que la section de la définition de « propagande terroriste » référant au fait de préconiser ou de fomenter des actes de terrorisme en général devrait être retirée de cette définition?
La Loi antiterroriste 2015 permet la saisie et la destruction de matériel de propagande terroriste dont les définitions sont là aussi de portée très large et ambiguë, mais quiconque promouvoit le terrorisme – indépendamment de l’intention – peut être condamné jusqu’à 5 ans de prison. Le principal impact de cette nouvelle infraction sera de réduire au silence l’expression légitime et d’envoyer l’expression suspecte en ligne – qui peut fournir des pistes précieuses pour les agences de renseignement et la police – dans les milieux plus clandestins. Cette nouvelle infraction n’est pas sans rappeler la Loi du Cadenas de Maurice Duplessis et doit être abrogée. Toute cette section devrait être abrogée.
- Quels autres changements devraient être apportés aux mesures de protection dont bénéficient les témoins et d’autres personnes associées au système judiciaire en vertu de la Loi antiterroriste 2015?
Les protections des témoins étaient déjà suffisantes avant l’adoption de la Loi antiterroriste de 2015; la protection des témoins ne devrait pas contrecarrer la nécessité d’abroger le projet de loi C-51. Cependant, s’il est démontré que des protections plus nombreuses sont nécessaires, elles devraient être introduites dans un nouveau projet de loi et dûment débattues.
Il y a aussi des préoccupations concernant l’utilisation de la protection des témoins pour l’étendre aux sources des agences de sécurité nationale. En ce qui concerne Loi sur la protection du Canada contre les terroristes de 2015 (l’ancien projet de loi C-44), elle exige que les sources humaines du SCRS restent confidentielles, même pour le juge, à moins qu’un tribunal ordonne que soit révélée leur identité. Cela est en dépit d’une conclusion claire de la Cour suprême du Canada dans Harkat selon laquelle cette protection n’était pas nécessaire compte tenu des pouvoirs étendus qui empêchent la divulgation publique de renseignements préjudiciables en vertu de la LIPR. En outre, cette protection empêche les avocats de la défense de contre-interroger les sources et empêche l’accusé.e de connaître le dossier complet et les preuves contre lui ou elle. Enfin, C-44 a créé une règle générale pour tous les types de procédures, quelle que soit leur nature, leur portée ou leur source d’information. Plusieurs autres intervenants, y compris l’Association du Barreau canadien, ont fait valoir que ce genre de règlement général ignore les nuances dans les différents types de procédures, y compris les poursuites pénales, l’immigration ou les certificats de sécurité. Il ne cherche pas à trouver un équilibre entre la sécurité nationale et les libertés civiles. Cette section du projet de loi C-44 devrait être abrogée, de même que C-51, et aucune autre «protection» ne devrait être accordée aux témoins ou aux sources de sécurité nationale, à moins que cela ne soit nécessaire.