Lettre ouverte au gouvernement fédéral sur C-59: Le nouveau projet de loi sur la sécurité nationale ne renverse pas C-51 et introduit de nouveaux problèmes sérieux

5023-07-parliamentOttawa — Aujourd’hui, plus de 40 organisations et individus de la société civile canadienne ont publié une lettre conjointe adressée au gouvernement qui énonce des préoccupations générales concernant le projet de loi C-59, Loi concernant des questions de sécurité nationale. Le projet de loi C-59 apporte des améliorations significatives et nécessaires au régime de sécurité nationale du Canada, mais il ne parvient pas à renverser l’héritage de son impopulaire prédécesseur, le projet de loi C-51, et présente de nouveaux problèmes sérieux. Le projet de loi échoue à atténuer l’impact disproportionné et discriminatoire de la politique de sécurité nationale et de la surveillance continue sur les minorités vulnérables, ce qui a dans le passé mené des comportements qui ont contribué à la torture de plusieurs Canadiens.

Les signataires sont tous et toutes préoccupées par le fait que — malgré le message clairement transmis par les Canadiens et Canadiennes lors de la vaste consultation publique du gouvernement fédéral sur la sécurité nationale — les droits et libertés garantis dans la Charte ne se situent toujours pas là où ils devraient être, au cœur du cadre de sécurité nationale du Canada.

«Depuis le 11 septembre 2001, notre peur disproportionnée du terrorisme a été utilisée pour lentement augmenter les pouvoirs des agences de renseignement et de sécurité sans avoir à prouver que ces pouvoirs sont nécessaires pour nous protéger et ce, avec toujours plus de risques et d’impact sur nos libertés civiles,» affirme Tim McSorley, coordonnateur national de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles. «Nous ne devons pas permettre à C-59 de continuer cette tendance dangereuse et dommageable.»

Le projet de loi C-59 introduit des améliorations à notre cadre de sécurité nationale, tout en renversant certains mais assurément pas tous les excès du projet de loi C-51. Il crée de nouveaux organes importants pour examiner et contrôler les activités de sécurité nationale; introduit une nouvelle loi détaillée et explicite pour le Centre de la sécurité des télécommunications, le CST; ajoute de nouvelles protections pour les droits des jeunes impliqués dans des infractions liées au terrorisme; et réforme le délit de promotion du terrorisme introduit par C-51.

Les signataires identifient également un certain nombre d’aspects spécifiques du projet de loi C-59 qui, selon nous, nécessitent une attention sérieuse et des changements significatifs, y compris:

  • La nouvelle Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada permet encore la circulation de trop d’informations entre un trop grand nombre de ministères et dans le but de poursuivre des objectifs troublants;
  • La liste d’interdiction de vol est encore dépourvue d’une procédure équitable adéquate alors que les mécanismes de recours proposés restent non financés;
  • Le projet de loi C-59 ne parvient pas à renverser le seuil trop bas, introduit par le projet de loi C-51, pour imposer une obligation de garder la paix à une personne soupçonnée de terrorisme;
  • Les pouvoirs de détention préventive introduits en 2001 sont toujours en place et demeurent profondément problématiques;
  • Le risque d’abus des pouvoirs de perturbation du SCRS est réduit, mais le gouvernement n’a pas encore démontré leur nécessité ou leur constitutionnalité;
  • Les organismes de surveillance nouvellement créés ne disposent pas des garanties nécessaires pour assurer leur efficacité;
  • Le risque général que nos activités de sécurité contribueront de nouveau à la torture demeure;
  • Les pouvoirs de cybersécurité “actifs” du CST (c.-à-d. le piratage offensif) sont introduits sans justification de leur nécessité et sans mesures pour prévenir les abus de manière adéquate;
  • Le nouveau projet de loi ne permet pas d’inverser l’érosion de la procédure équitable, que C-51 a étendue, dans le régime des certificats de sécurité; et
  • Le projet de loi légitimise des comportements troublants, y compris l’extraction massive de données et la surveillance de masse par notre agence de renseignement étranger.

La CSILC tient également à souligner les problèmes additionnels suivants avec C-59 :

  • Le partage d’informations en vertu de la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada pourrait affecter de manière disproportionnée les communautés musulmanes et arabes, les protecteurs autochtones de la terre et de l’eau, et les activistes (par exemple, les partisans du mouvement BDS), même avec les modifications apportées à la définition d’une menace à la sécurité nationale.
  • La surveillance et la criminalisation de la dissidence sont une préoccupation constante encore plus grande avec les nouveaux pouvoirs du SCRS ainsi que les récentes accusations de discrimination envers l’agence.
  • Le projet de loi laisse intactes les possibilités de refoulement vers des pays où il existe des risques de torture et les directives ministérielles sur la torture, qui sont sous étude depuis février 2016.
  • La création des nouveaux organes de révision ne devrait pas dépendre de l’acceptation des nouveaux pouvoirs d’espionnage et de piratage. Les deux devraient être considérés et discutés de manière indépendante.
  • Finalement, il serait utile d’impliquer la société civile, notamment la CSILC, dans le processus de nomination des membres de l’Office de surveillance, afin d’assurer la diversité, l’efficacité et la transparence de l’organisme.

La lettre traite de ces questions, et plus encore, plus en détails. Lisez la lettre complète ici.

Voici ce que nos membres et d’autres signataires ont à dire sur le projet de loi C-59:

«Le projet de loi C-59 améliore certains mais définitivement pas tous les problèmes troublants en matière de droits de la personne qui étaient au cœur du C-51. Il soulève également de nouvelles inquiétudes et ne permet pas de remédier aux défaillances en matière de droits antérieurs à C-51. Les droits humains devraient être le fondement même de la façon dont le Canada protège et garantit la sécurité nationale; avec C-59, il est clair qu’il y a encore beaucoup de travail à faire pour y parvenir.» – Alex Neve, secrétaire général d’Amnesty International Canada

«Nous sommes préoccupés par le fait que les Canadiens et Canadiennes ne verront peut-être que les aspects positifs de ce projet de loi, tels que le contrôle renforcé des organismes de sécurité, et ne remarqueront pas les pouvoirs intrusifs qu’il maintient ou même renforce – des pouvoirs qui érodent dangereusement les libertés civiles.» Kevin Malseed, Inter Pares

«Certains des aspects les plus flagrants de C-51 ont été apprivoisés, mais le nouveau projet de loi laisse encore beaucoup à désirer. Des listes d’interdiction de vol aux pouvoirs de «perturbation» du SCRS, il y a beaucoup de dispositions qui devront être modifiées avant que C-59 ne soit adopté.» – Vincent Gogolek, Directeur exécutif de la BC Freedom of Information and Privacy Association

«Le projet de loi C-59 apporte des modifications importantes et utiles aux lois antiterroristes canadiennes, mais nos inquiétudes demeurent quant à l’absence de procédure régulière dans le cadre de la liste d’interdiction de vol et quant aux pouvoirs renforcés et étendus du SCRS, compte tenu des dommages que l’agence d’espionnage a fait subir aux musulman.es canadien.nes. Des musulmans canadiens connus ont été victimes de discrimination et ont été soumis à la torture par le Canada sans autre raison que leur foi et leur identité. En même temps, des musulman.nes canadien.nes ont subis des crimes haineux et des attaques violentes perpétré.es par des individus pour la même raison. Une politique de sécurité nationale qui est incapable de protéger tou.tes les Canadien.nes de façon égale n’est pas digne de notre aval, même si elle représente une amélioration significative par rapport à une loi antérieure plus odieuse.» – Ihsaan Gardee, directeur général, NCCM – National Council of Canadian Muslims

«Des sections significatives du projet de loi C-51 étaient contraires à la Constitution et au bon sens. Avec certaines améliorations apportées par le projet de loi C-59, nous ne touchons plus le fond du baril en ce qui concerne les privations de nos libertés fondamentales. Cependant, des amendements qui ne font que gratter la surface de la supervision des organismes dotés de pouvoirs sans précédent ne suffira pas. Davantage de mesures de sécurité et de responsabilisation contre les abus de pouvoir sont nécessaires.» – Faisal Mirza, président de l’Association des avocats musulmans canadiens

«Maintenant que le Parlement est de retour, nous sommes impatient.es de voir le gouvernement s’engager à améliorer les réformes introduites dans le projet de loi C-59, conformément aux préoccupations exprimées par les Canadien.nes tout au long de la consultation du gouvernement. En particulier, le gouvernement doit se pencher sur les appareils de surveillance de masse tels que les Stingrays, les dispositions étendues sur le partage d’informations, ainsi que les protections législatives pour les technologies de communication cryptée.» – Laura Tribe, directrice générale, OpenMedia

«Toutes les lois canadiennes doivent être conformes à la Charte. Le projet de loi C-59 fait mieux que son prédécesseur, mais ne parvient pas à réparer certains éléments anticonstitutionnels que l’ACLC a dénoncés dans notre contestation juridique du projet de loi C-51. De manière inquiétante, C-59 permet également aux agences de renseignement de s’engager dans des comportements qui menacent la liberté d’expression, la liberté d’association, la vie privée et la sécurité publique. Le gouvernement a franchi une première étape, mais il doit faire beaucoup plus. Le Canada doit le faire correctement sur la sécurité nationale.» – Cara Zwibel, avocate générale intérimaire, Association canadienne des libertés civiles (ACLC)

«Alors que le projet de loi C-59 contient de nombreux changements positifs, y compris la réforme de la disposition anticonstitutionnelle contre la “promotion du terrorisme”, il étend inutilement les pouvoirs des agences d’espionnage du Canada de manière à nuire gravement à nos droits à la vie privée et notre liberté d’expression.» – Tom Henheffer, directeur général, Canadian Journalists for Free Expression (CJFE)

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