Combattre la haine au lendemain de la fusillade contre une mosquée à Québec : 5 actions que le gouvernement Trudeau peut entreprendre dès maintenant!

Chaîne de solidarité contre les ordres exécutifs de Trump. Ambassade des États-Unis à Ottawa, 30 janvier 2017 (Crédit photo : Claude Panneton)

Par Anne Dagenais Guertin et Tim McSorley – Tant de choses se sont produites ces derniers jours, nous avons peine à suivre. Le grand volume de mauvaises nouvelles peut être écrasant, donc nous sommes ravis de voir que, dans la rue, leurs communautés et les médias sociaux, les gens se montrent solidaires contre la violence, le racisme, l’islamophobie et l’injustice, et qu’il semble que cette flamme ne s’éteindra pas de si tôt.

Nos pensées et notre solidarité vont aux familles des victimes et des survivants de la fusillade contre le Centre culturel islamique de Québec à Ste-Foy, et nous condamnons fermement toutes formes de violence et de discrimination, en particulier l’islamophobie et le racisme anti-arabe.

Au cours des semaines et des mois qui ont mené à ce crime odieux, nous avons vu tant d’attaques, venant de toutes parts, contre les droits et la vie de nombreuses personnes et communautés, qu’elles semblent souvent chaotiques, même sans rapport. Mais comme d’autres l’ont souligné, et comme nous le croyons fermement, les événements du 29 janvier ne peuvent être vus séparément du climat politique général. Ils doivent être vus comme étant liés, et ainsi dénoncés en tant que tel.

Au fur et à mesure de ce que nous apprenons sur le tireur suspect, il devient clair que la xénophobie, l’islamophobie et la peur engendrées par la soi-disant «guerre contre le terrorisme» ont joué un rôle dans les événements tragiques qui se sont déroulés dimanche soir à Québec. Nous espérons que ce sera un réveil pour nos dirigeant.es politiques, et tou.tes les Canadien.nes, que la rhétorique raciste, islamophobe et xénophobe a de terribles conséquences dans la vie réelle. Nous supposons souvent que le Canada est à l’abri de ce qui se passe au sud de la frontière. Le Canada et le Québec, cependant, ne sont pas étrangers aux déclarations islamophobes. Malgré cela, nous croyons que nous pouvons nous engager dans un discours intolérant et éviter les conséquences négatives; qu’il ne s’agit «que de mots». Comme l’ont souligné tant de Musulmans, de Noirs, d’Autochtones et d’autres communautés racialisées : cela n’a jamais été le cas, et ce genre de mentalité doit changer.

Le gouvernement canadien doit prendre des mesures pour empêcher de futurs incidents. Cela ne signifie pas augmenter la surveillance ou renforcer les pouvoirs de répression de la police. Au lieu de cela, de nombreux groupes soulignent déjà des mesures immédiates et concrètes que le gouvernement peut prendre. Appliquer ces mesures enverrait un message fort selon lequel la violence et la haine, en particulier le racisme, la xénophobie et l’islamophobie, ne seront pas tolérées.

Nous croyons que les actions suivantes, entre autres, aideront à envoyer ce message :

Abroger l’Accord sur les tiers pays sûrs

Cet accord, qui est en vigueur depuis la fin de 2004, stipule que le Canada et les États-Unis sont des «pays sûrs» pour les réfugié.es. Cela signifie que — sauf quelques exceptions — les réfugiés au Canada ou aux États-Unis doivent faire une demande dans le pays où ils entrent en premier. L’accord empêche donc d’entrer au Canada quiconque dépose une demande de statut de réfugié à la frontière terrestre entre le Canada et les États-Unis, car les États-Unis constituent une option «sans danger». Par contre, depuis que Donald Trump a signé ses Ordres exécutifs sur l’immigration, les États-Unis n’est plus un pays sûr pour les réfugié.es. En décembre, deux réfugiés ghanéens ont été hospitalisés au Manitoba pour des engelures sévères après avoir traversé la frontière loin d’un point d’entrée officiel pour faire une demande de statut de réfugié au Canada. Selon l’Agence des services frontaliers du Canada, le nombre de demandeurs d’asile entre les points d’entrée a quintuplé récemment. Les défenseurs des droits des réfugié.es font valoir que l’Accord sur les pays tiers sûrs en est la cause.

Dénoncer clairement l’interdiction d’entrée de Trump pour les immigrant.es musulman.es et les réfugié.es

Alors que le premier ministre Justin Trudeau a répondu à l’interdiction d’immigration des États-Unis en disant que le Canada accueille les réfugié.es et les immigrant.es, le ministre de l’Immigration, Ahmed Hussen, a déclaré mardi que le gouvernement n’augmentera pas le nombre de réfugié.es que le Canada recevra – ce qui constitue déjà 15 000 de moins que l’année dernière. Cela est inacceptable et contredit complètement la déclaration de Trudeau. Les actions du gouvernement américain ne sont pas bénignes et ont des conséquences réelles. Le gouvernement doit dénoncer explicitement ces règles qui mettent en danger les réfugié.es et les migrant.es, et qui enfreignent des accords importants sur les droits de la personne tels que la Convention de Genève, et il doit effectivement aider et protéger les réfugiés et les migrants; pas seulement dire qu’il le fait.

Prendre des mesures concrètes pour lutter contre l’islamophobie au Canada

Nous avons besoin que le gouvernement prennent des mesures concrètes contre l’islamophobie et le racisme anti-arabe. En octobre 2016, la Chambre des communes a adopté une motion condamnant l’islamophobie, ce qui est un bon début : des études montrent que la rhétorique politique peut inspirer des crimes de haine islamophobe. Mais il est maintenant temps pour le Canada d’aller plus loin, et des groupes comme le Conseil national des musulmans canadiens offrent des pistes de solutions depuis des années. Le gouvernement doit écouter et agir.

Retrait des directives ministérielles sur la torture

L’interdiction de la torture est fondamentale afin de protéger et défendre les droits de la personne. Permettre à la torture de persister est de convenir qu’il est acceptable d’ignorer l’humanité d’une autre personne. Le président Donald Trump a précisé que, s’il le pouvait, il rétablirait le recours à la torture pendant les interrogatoires. Les directives ministérielles canadiennes sur la torture autorisent les organismes gouvernementaux à utiliser et à partager les renseignements susceptibles d’avoir été obtenus sous la torture ou susceptibles de mener à la torture.

Le retrait immédiat des directives ministérielles enverrait un message clair et fort que la torture est inacceptable en toutes circonstances, et aiderait à renforcer le mouvement international contre la torture et la protection de ceux et celles qui pourraient subir de la torture aux mains des États-Unis, ou de tout autre pays.

Abroger C-51 (Loi antiterroriste, 2015)

C-51, comme plusieurs l’ont documenté, est une des plus grandes menaces pour les libertés civiles et les droits de la personne dans l’histoire canadienne récente. Il accroît la surveillance, affaiblit les droits fondamentaux comme la liberté d’expression et la liberté d’association, et ne fait pas grand chose pour accroître notre sécurité ou notre protection, comme nous l’avons vu avec l’attaque sur la mosquée de Québec. Si ces lois n’ont pas réussi à empêcher cette violence, c’est parce que l’utilisation de mesures draconiennes qui limitent davantage nos libertés civiles ne peut tout simplement pas empêcher la violence. Au lieu de cela, le gouvernement doit jouer un rôle proactif non seulement pour dénoncer la haine et les préjugés, mais aussi pour enseigner l’anti-racisme et le respect des droits de la personne à grande échelle.

En plus de leur inefficacité, ces lois sont également dangereuses parce qu’elles sont des outils politiques qui alimentent la crainte d’un danger inexistant ou exagéré, semant la division, la haine et la xénophobie. Le gouvernement libéral a déclaré qu’il abolirait les aspects les plus problématiques de la loi, mais ses composantes sont si étroitement liées et reposent sur des failles si fondamentales que seule une abrogation complète suffira.

Agir ensemble

Enfin, il y a tellement plus que cela qui peut être fait, et en se réunissant, nous pouvons montrer au gouvernement que les mots ne suffisent pas – agir est nécessaire. Nous encourageons tout le monde à participer aux prochaines Journées nationales d’action contre l’islamophobie et la suprématie blanche les 4 et 5 février, et à signer des pétitions comme celle-ci, lancée par No One Is Illegal – Toronto. Éducation, organisation, résistance!

Puisque vous êtes ici…

… nous avons une faveur à vous demander. À la CSILC, nous travaillons sans relâche afin de protéger et promouvoir les droits humains et les libertés civiles dans le contexte de la soi-disant “guerre au terrorisme” au Canada. Nous ne recevons aucune aide financière des gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral, ni d’aucun parti politique. Tout don nous aidera à poursuivre notre travail.

Vous hésitez à donner? Consulter la page sur nos nombreuses Réalisations et Acquis depuis 2002. Merci de votre générosité!